Pour les foyers qui ont la chance d'être éligibles à la fibre optique mais n'avaient pas encore choisi d'en profiter (et ils sont nombreux), le confinement a achevé de démontré l'utilité de cette technologie d'accès à Internet. Mais pour les Français encore privés de Très Haut Débit, on peut parler de double peine : alors que le besoin d'une bonne connexion Internet n'a jamais été aussi fort que pendant le confinement, l'épisode va finalement se traduire par une attente encore plus longue. En effet, pas plus que les autres les activités, le déploiement de la fibre optique n'a été épargné par la crise sanitaire. Les chantiers redémarrent aujourd'hui doucement, mais un retour aux cadences record d'avant la crise n'est pas attendu de sitôt.
Confinement : "Ceux qui étaient branchés en ADSL ont souffert"
Un premier bilan des deux derniers mois a été dressé à l'occasion des Etats généraux des RIP. L'événement rassemble chaque année les élus locaux et professionnels des infrastructures numérique, pour faire le point sur les réseaux d'initiative publique. C'est-à-dire les projets portés par les collectivités pour apporter le très haut débit à quelque 17 millions de foyers et entreprises situés dans les zones moins denses du territoire, essentiellement via la fibre optique.
Réunis en ligne et non pas physiquement à Deauville, leur terre d'accueil depuis près de 10 ans, les participants ont pu entendre comme de coutume le témoignage des élus normands. S'agissant du Calvados, résume Olivier Colin, conseiller spécial THD auprès du président du département, la connectivité pendant le confinement, "dans les zones rurales, ça a été l'horreur". Télétravail, enseignement à distance, administration, santé, loisirs... Pour faire face à tous ces usages, parfois en simultané, "ceux qui étaient branchés en ADSL ont souffert", renchérit Philippe Augier, maire de Deauville et président de l'intercommunalité Cœur-Côte Fleurie.
"Sur une côte comme la nôtre, à des moments d’encombrement, c’était dramatique, il n’y avait plus de communication possible ou dans de très mauvaises conditions. Nous avons alors bien mesuré la nécessité d’abandonner ce satané cuivre", raconte l'élu. Car si son réseau d'initiative publique, pionnier dans la desserte en fibre jusqu'au domicile en zone rurale, compte quelque 33 000 foyers éligibles, tous, loin de là, n'ont pas sauté le pas.
L'adoption de la fibre optique dopée par la crise ?
La faute notamment, estime l'édile, à l'absence d'offres Internet émanant des grands opérateurs nationaux, lacune qui devrait être résolue sur son territoire d'ici à fin 2020 à l'issue d'une reconfiguration du réseau. D'une manière générale, les collectivités misaient sur l'arrivée d'Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free sur les réseaux publics pour accélérer le mouvement. De fait, , témoignent certains élus et exploitants de réseaux, la commercialisation massive des abonnements Internet en fibre des grands fournisseurs sur les RIP, enclenchée depuis 18 mois, stimule l'adoption du Très Haut Débit en zone rurale. Notre carte fibre (ci-dessous) permet d'ailleurs de savoir quel fournisseur commercialise ses offres dans votre ville.
Reste que les chiffres les plus récents indiquaient qu'à mi-2019, la fibre optique n'avait convaincu en moyenne que 15% des foyers éligibles sur les réseaux ruraux, contre 40% à l'échelle du territoire. L'épisode que viennent de traverser des millions de Français va-t-il convaincre les moins bien connectés de passer au très haut débit quand ils peuvent l'avoir ?
Du côté de Free, ou encore Bouygues Telecom, on dit en effet observer un regain d'intérêt pour les offres fibre à l'issue du confinement. Si les particuliers ont préféré jouer la sécurité en conservant leur connexion ADSL jusqu'au 11 mai, nombre d'entre eux profitent du déconfinement pour passer à la vitesse supérieure et profiter des avantages de la fibre optique. Pour profiter d'un confort accru pour leur connexion Internet, et, peut-être à plus court terme, pour éviter une déconvenue dans l'éventualité d'un nouvel épisode de confinement.
Des reports inévitables
Encore faut-il qu'elle soit disponible. Si la fibre est déjà chez vous, le raccordement ne devrait être qu'une formalité. Les délais habituels, 1 à 4 semaine selon les cas, pourraient juste être quelque peu rallongés.
Si vous attendiez l'arrivée de la fibre, en revanche, il va peut-être falloir s'armer de patience. Un peu partout en France, le déploiement et les raccordements chez les particuliers ont certes repris. Y compris en zone rurale, par exemple, pour n'en citer que quelques-uns, sur les RIP Haute-Garonne-Numérique, Ardèche-Drôme Numérique, Gers Numérique, Losange dans le Grand-Est...
Les opérateurs ne sont pas encore en mesure de livrer des prévisions, mais ne cachent pas que des reports seront inévitables. La production de nouvelles lignes n'a certes pas complètement cessé durant le confinement, mais elle est tombée à 30% de son niveau normal, s'accordent à dire les différents opérateurs en charge de la construction des réseaux. Mais c'est une moyenne : sur certains territoires, en fonction de l'activité des entreprises sous-traitantes, ce chiffre a pu tout simplement descendre à 0%.
"Pour retrouver un rythme de 100%, on va avoir, beaucoup, beaucoup de difficultés", indique-t-on du côté de SFR, à la manœuvre sur fonds publics ou privés dans plusieurs départements (Loiret, Corse, Gard, Pyrénées-Atlantiques et une partie de la région PACA notamment). Du côté d'Orange, qui déploie la fibre pour les collectivités sur de nombreux RIP (Loire-Atlantique, Vendée, Mayenne, Charente-Maritime, Gironde, Auvergne, Aveyron-Lot-Lozère, ...), on parle également d'"incidences sérieuses et profondes sur les calendriers" durant les deux années à venir.
Rappelons que, selon les zones, l'échéance pour une desserte quasi-intégrale en fibre optique varie. Elle était fixée, avant la crise, à 2022 pour les secteurs plus urbanisés, et souvent à 2021, 2022 ou 2023 pour de nombreux réseaux publics départementaux desservant les zones moins denses (jusqu'à 2025 ou 2026 dans certains cas). Certains territoires ont néanmoins déjà achevé leurs travaux ou vont le faire dès cette année, comme Oise THD ou THD 42 dans la Loire. Avec, à la clé, plusieurs centaines de milliers de foyers et entreprises raccordables dans les campagnes.
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Des solutions pour accélérer... et pour patienter
Des décalages de plusieurs mois sont donc à attendre, qui risquent de se répercuter à court ou moyen terme, sachant que les calendriers initiaux s'appuyaient sur des hypothèses de déploiement à plein régime. On devrait ainsi être loin du niveau record de 2019, où près de 5 millions de lignes de fibre optique ont été déployées en 12 mois, dont 1,5 million en zone rurale. Les différents acteurs du THD s'affairent actuellement à trouver des solutions pour relancer la machine. Via des soutiens financiers au tissu d'entreprises du secteur fragilisées par la crise, ou des simplifications administratives et réglementaires qui permettraient d'aller plus vite sur certaines parties du réseau (raccordement d'immeubles ou utilisation de poteaux basse tension).
Rappelons néanmoins que des solutions existent pour bénéficier du Très Haut Débit en attendant l'arrivée de la fibre optique. Par exemple si vous êtes éligible aux box 4G commercialisées par les principaux opérateurs. Ou encore via le THD Radio et le satellite, qui promettent des débits de l'ordre de 30 Mb/s bien plus confortables qu'un ADSL souffreteux. Des technologies d'accès à Internet alternatives soutenues par l'Etat grâce aux subventions distribuées par le guichet de Cohésion numérique.