Jeudi 19 mars : la date du rendez-vous pour installer la fibre avec Orange. Pas de chance, c'est trois jours après le début du confinement. On s'y attendait un peu : le technicien ne viendra pas. Et on ne s'en offusquera pas dans ce contexte de crise sanitaire. Mais tout de même : aucune information de la part de l'opérateur sur un éventuel report ou une annulation, aucune info à glaner auprès de l'assistance... Sans accès Internet fixe, il va falloir se résoudre à télétravailler et faire l'école à la maison en partage de connexion, sans trop de perspective sur la suite. Avec un avantage que n'ont pas tous les Français, un bon réseau 4G. Et aussi un œil sur le compteur de data pour ne pas faire exploser son forfait.
Vendredi 3 avril : on n'y croyait plus trop, et voilà qu'Orange rappelle. Un technicien pourra venir dès la semaine suivante. Mardi 7, c'est parfait. Les interventions chez les clients ont donc repris, mais que s'est-il passé durant ces deux premières semaines de confinement ? Nous avons pris contact avec l'opérateur afin d'en savoir plus sur son fonctionnement durant ces premiers jours où le coronavirus a bouleversé le quotidien de Français.
Gestes barrière
Mais d'abord, retour sur l'installation de la fibre proprement dite. Cette fois-ci, le technicien Orange sera bien au rendez-vous. Il se présente masqué et interviendra, d'abord, dans le local fibre de l'immeuble où se trouve le point de mutualisation, porte d'entrée du réseau vers l'ensemble des logements. Rappelons qu'il incombe au client d'assurer l'accès du professionnel aux boîtiers techniques, comme en temps normal lorsqu'il s'agit d'installer la fibre en appartement.
Suit l'intervention au domicile, dans des conditions qui ont été précisées au client par téléphone. Lors de la prise du nouveau rendez-vous, puis encore la veille de l'intervention. Il est demandé au particulier, avant la venue du technicien, d'aérer pendant une heure la pièce où s'effectuera l'opération. Il faudra également respecter les mesures de distanciation qui sont devenues le quotidien des Français depuis un mois. Ce qui implique, au passage, qu'une seule personne accueille le professionnel. Dans la mesure du possible, les autres membres du foyer sont invités à ne pas rester dans la pièce où il officiera. L'intervenant est équipé d'un masque et de gel hydroalcoolique pour se laver les mains avant et après l'opération. Malgré tout, il est également recommandé, après son départ, de désinfecter les équipements qu'il aura mis en place.
Dans les faits, ces consignes semblent respectées. "Les clients sont compréhensifs la plupart du temps", témoigne le technicien. C'est pour leur sécurité autant que pour la notre que l'on se protège. Nous voyons plus de gens qu'eux d'une manière générale, donc c'est aussi pour eux que l'on fait ça".
Installation fibre : l'intervention sur le point de mutualisation d'immeuble
Confinement total sous 24h
Reste que, pour rendre à nouveau possible ce type de raccordement, Orange à dû réorganiser toute sa machine. Thierry Broust, directeur de l'Unité d'Intervention (UI) Ouest, nous refait l'historique de ce qui s'est passé chez l'opérateur un peu partout en France. "Le 16 mars, nous avons bien compris que l'on se dirigeait vers un confinement total sous 24h", raconte-t-il. Le plan de continuité de l'activité est donc enclenché, avec un premier défi : celui de mettre les employés dits "sédentaires" en situation de télétravail. Sur le périmètre Bretagne-Pays de la Loire, pas moins de 860 salariés rentrent chez eux dès le lundi avec le matériel nécessaire pour continuer à assurer leur activité.
Et il y a la question du terrain. Avec un impératif : garantir la sécurité des quelque 600 techniciens Orange et 1 200 sous-traitants pilotés par l'UI Ouest. L'un de ces métiers exposés mais essentiels au fonctionnement du pays, au même titre que les employés des supermarchés, de la logistique ou des transports. Et pour cela, l'opérateur n'est pas suffisamment équipé : le stock de masques dont il dispose sera ainsi réservé aux opérations de dépannage prioritaires.
"Le temps de s'approvisionner en milliers de gels et de masques", ce qui n'est pas une mince affaire comme on a pu s'en apercevoir, de structurer les équipes et de diffuser les consignes, la production est stoppée. Entre le 16 et le 25 mars, aucune nouvelle mise en service d'accès Internet chez les clients ne sera réalisée. Quelque 4 000 rendez-vous inscrits dans les plans de charge d'Orange sur les deux régions resteront donc en suspens.
Un bloc prioritaire
L'urgence est ailleurs. "Nous avons dû prioriser nos interventions, afin d'être en capacité de réaliser le SAV du réseau sur le terrain, puis les pannes des clients, classées en fonction de leur importance stratégique", explique Thierry Broust. En trois blocs précisément. Dans le premier figurent collectivités, services de l'Etat ou encore entreprises d'importance vitale. De même que les personnes isolées et fragiles, chez qui l'opérateur intervient sur sollicitation des autorités.
Et l'on trouve bien sûr et surtout, dans cet ensemble, les établissements, services et professionnels de santé. Une catégorie pour laquelle le dépannage et la production d'accès fibre ou de téléphonie n'ont jamais cessé, souligne-t-on chez Orange. Afin, par exemple, de faire face au surcroît d'appels reçus par les hôpitaux ou le SAMU. Mais des fibres ont également été tirées, sur les CHU de Brest ou Rennes notamment, pour permettre à une partie des personnels de fonctionner en télétravail. Du côté des généralistes, enfin, l'opérateur s'est essentiellement affairé à l'installation de solutions de visioconférence, afin que les praticiens puissent multiplier les téléconsultations.
Télétravail en masse
Suit un 2e bloc, constitué notamment d'entreprises de secteurs cruciaux dans la période actuelle, explique Thierry Broust, comme le transport ou encore la distribution... Là aussi, les interventions d'Orange ont essentiellement consisté à augmenter les capacités de transmission pour organiser un télétravail de masse, ou encore à mettre en place des solutions de visioconférence.
Sur la France entière, "le nombre d’utilisateurs connectés au réseau de leur entreprise en télétravail a augmenté de 700 % chez les clients d’Orange Business Services", la filière entreprise du groupe. S'en est suivi un nécessaire redimensionnement des réseaux pour supporter cette charge nouvelle. Pour les équipes terrain, cela s'est traduit par 130 opérations supplémentaires par jour sur l'ensemble du territoire, explique l'opérateur dans un premier bilan de son action au niveau national.
Annulations et galères
Dans le 3e bloc, enfin les particuliers et entreprises jugées moins prioritaires ont dû patienter. Une attente qui a fait pas mal râler sur les forums, en raison des rendez-vous annulés ou, pour les plus indulgents, de l'absence d'information sur la suite des événements. « Nous avons fait tourner des robots pour indiquer aux clients que leur rendez-vous avait été annulé. Ils étaient invités, via des SMS interactifs, à reprogrammer leur intervention », nous explique pourtant Thierry Broust. Force est de constater, néanmoins, que certains messages n'ont pas atteint leurs destinataires. Ce n'est parfois qu'une dizaine de jours plus tard que les clients concernés ont pu en savoir un peu plus. Ils se sont vu proposer une modification du calendrier, ainsi qu'une enveloppe de 200 Go d'Internet mobile pour patienter.
Les "galères" de clients non prioritaires ont également trouvé un écho dans la presse régionale. On apprend, ici ou là par exemple, que certains d'entre eux signalaient depuis plusieurs semaines une panne d'Internet touchant parfois plusieurs habitations, bien avant le confinement. Ou encore des personnes âgées et isolées durablement privées de connexion ou de téléphone. Des situations difficilement compréhensibles pour les particuliers concernés, et qui, nous explique le directeur de l'UI Ouest, trouvent une seule et même origine : un sale hiver. 17 tempêtes entre octobre 2019 et mars 2020, entrecoupées de pluies, inondations et vents forts "permanents". Des phénomènes d’"intensité exceptionnelle" qui "ont augmenté de plus de 20% le niveau des signalisations SAV de nos clients et ont mis à l’épreuve notre réseau en particulier en zone rurale : chambres inondées, poteaux cassés, câbles aériens arrachés", détaille le responsable.
Malgré les renforts venus d'autres régions, "cette situation a augmenté la durée moyenne de rétablissement en général et allongé de façon significative la résolution des incidents collectifs", poursuit-il. La météo plus clémente depuis quelques semaines a permis de retrouver "une situation nominale" début avril, même s'il reste "encore beaucoup de travaux à réaliser sur la réparation des poteaux et sur des câbles à changer".
Dépannage, installation de la fibre : comment Orange redémarre
Une fois les techniciens équipés et les interventions prioritaires effectuées, dépannage et mises en service d'accès Internet reprennent donc progressivement chez les clients du 3e bloc. En tout cas ceux qui le souhaitent. Pour faire le point, Orange a donc mis sur pied des équipes spécialement dédiées à la sécurisation des rendez-vous.
Celles-ci vont être constituées sur le principe de l'entraide, nous explique-t-on, puisque la mission est assurée par des salariés volontaires, cadres et non-cadres, ne pouvant plus effectuer leurs missions habituelles durant la crise sanitaire. Depuis fin mars, en Bretagne et Pays de la Loire, ils se sont attelés au rappel des quelque 4 000 clients dont nous parlions plus haut. 670 ont été joints du 30 mars au 3 avril, pour savoir s'ils souhaitaient maintenir leur rendez-vous, et le cas échéant leur rappeler les consignes de sécurité. Par crainte de contracter le virus ou de contribuer à sa circulation, un tiers des personnes contactées ont toutefois choisi de reporter la venue du technicien à une date ultérieure, au-delà du 15 mai, nous informe l'opérateur.
Cette équipe ad hoc "est en train d’étendre cette capacité pour qualifier et fiabiliser tous nos rendez-vous des deux prochaines semaines", annonce le directeur de l'UI Ouest. L'objectif est d'en avoir "repris la totalité d'ici fin avril". En parallèle, prendre un rendez-vous dans le cadre d'une nouvelle souscription n'est toutefois pas impossible. Au prix d'un peu de patience : "Aujourd’hui, quelqu’un qui commande peut avoir un rendez-vous un peu plus long qu’à l’habitude". Tout dépend en fait de la charge de travail sur une zone d'intervention donnée : "Nous essayons de garder des ressources disponibles pour honorer les rendez-vous annulés, ensuite on réinjecte les nouveaux rendez-vous". Le tout dans des conditions de sécurité désormais jugées satisfaisantes : "Si nous avons repris les interventions chez le client, conclut Thierry Broust, c’est que nous avions confiance".