Le jeu vidéo en chiffres, c'est deux milliards de joueurs et un marché qui pèse près de 120 milliards d'euros par an. Avec une croissance à deux chiffres, plus de 10% par an, l'industrie du jeu vidéo est le premier marché culturel de France, devant celui du livre, du cinéma et de la musique. Et, le constat est le même presque partout dans le monde. Et l'arrivée des géants du numérique dans l'univers du jeu vidéo, à commencer par Google avec Stadia, devrait encore accentuer la donne.
Patron de Shadow, le PC dans le cloud, Emmanuel Freund a accueilli l'annonce de Google avec beaucoup d'intérêt. Selon lui, si Google arrive à mettre en place toutes les promesses de Stadia, c'est brillant. Et, dans 5 ans, les consoles de jeu vidéo seront devenues obsolètes et auront disparu.
Stadia sera la nouvelle Wii
Comment avez-vous accueilli l'annonce de l'arrivée de Google dans l'univers du cloud gaming avec Stadia ?
"On savait déjà que Google travaillait sur un projet dans le cloud gaming. Et malgré les informations qu'on avait déjà, Google a quand même réussi à nous surprendre avec des innovations. Je trouve notamment très chouette l'intégration de YouTube. Rentrer dans le jeu en un seul clic, c'est top aussi. En termes d'accessibilité et de facilité d'utilisation, c'est génial. Si Google arrive à tout mettre en place, c'est brillant et Stadia sera la nouvelle Wii."
En attendant, il faut se contenter de quelques annonces ?
"C'est souvent comme ça. C'est une méthode de communication dans le jeu vidéo. C'est le jeu. C'est du marketing. Mais, ce n'est pas une coquille vide, il y a une version alpha, il y a eu des démonstrations. Et Stadia va bel et bien exister même si on ne connaît pas encore le prix, le catalogue et la date de lancement."
Un coup de boost extraordinaire pour le cloud gaming
Et c'est tout bon pour l'image du cloud gaming ?
"C'est évident, cest un focus sur le cloud gaming et les nouveaux usages dans le jeu vidéo. Avant cette annonce, le cloud gaming était encore une technologie balbutiante et singulière. Il y a aujourd'hui 300 millions de consoles de jeux vidéo dans le monde. Et, demain, il y en aura peut-être deux milliards dans le cloud. Avec l'annonce de Stadia, tous les freins au développement du cloud gaming disparaissent. Parce que Google a dit que c'était possible et que le cloud gaming était l'avenir du jeu vidéo. Quand Google parle, on l'écoute. C'est une caisse de résonance. Et, nous, en attendant que Stadia arrive, on gagne des abonnés parce cette annonce, c'est un coup de boost extraordinaire pour le cloud gaming."
Stadia, c'est une révolution dans l'univers du jeu vidéo ?
"Le cloud gaming est une révolution pour le jeu vidéo. C'est une libération des contraintes matérielles parce qu'on se détache du hardware. Après, c'est encore trop tôt pour dire si Stadia en sera une. Même si l'intégration de YouTube représente un attrait évident. Si il n'y avait que Stadia, le marché du jeu vidéo aurait tendance à s'appauvrir. Mais, avec l'arrivée d'autres géants du numérique, Amazon avec l'intégration de Twitch, Microsoft avec Windows et Xbox, mais aussi Tencent ou Apple, il va s'enrichir. Et c'est à ce moment-là que la vraie révolution va avoir lieu."
J'ai envie de jouer sur Stadia
Vous pensez que Google va réussir son pari avec Stadia ?
"Je n'en doute pas une seconde. Et puis, si Google n'y arrive pas, un autre y arrivera. Mais, j'en suis convaincu, Google va trouver des éditeurs pour constituer son catalogue de jeux. Parce que Google a des milliards et que Google s'en fout de payer. Et, les éditeurs finiront bien par s'y retrouver. Je ne sais pas encore lesquels ni quelle sera la profondeur du catalogue de Stadia. Mais, même si la montagne annoncée accouche d'une souris, ce sera sympa de jouer avec. Je sais bien que Google a été critiqué après l'annonce de Stadia. Pour ma part, quand j'ai vu la keynote de Google, je me suis dit "ils sont fort", elle m'a donné envie de jouer sur Stadia."
Il n'y a pas que la question du catalogue, il y a aussi celle de la vitesse de la connexion à Internet requise pour jouer à Stadia ?
"Aujourd'hui, oui, c'est vrai. Mai,s nous en sommes au tout début du cloud gaming. Déjà, dans un an, grâce aux progrès de la technologie, la vitesse de la connexion à Internet qui sera requise pour jouer à Stadia ne sera plus d 'au moins 30 Mb/s*, elle aura diminué. Et dans deux ans, la vitesse recommandée sera ridicule. Parallèlement à ça, le nombre de personnes qui aura accès au très haut débit aura augmenté. Ça va prendre entre 5 ans et 8 ans. Mais, déjà, dans 3 ans, il y aura la 5G partout et même l'Internet par satellite. Imaginez-vous, on travaille déjà pour avoir de la 4K avec un débit de 500 Kb/s. La révolution technologique va très vite."
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Les consoles vont disparaître comme les CD et les K7
Et dans quelques années, les consoles de jeux auront disparu, c'est ça ?
"J'en suis convaincu, en effet. Elles vont disparaître comme les CD et les K7 vidéo. Peut-être pas dans l'immédiat, mais dans 3 ans. Y'a rien dans une console, c'est juste de la puissance dans un boîtier. Mais, aujourd'hui, on peut se détacher des contraintes du hardware en local et avoir la même puissance. Les consoles n'ont encore de l'intérêt tant qu'il n'y a pas le débit Internet insuffisant pour avoir une bonne expérience du cloud gaming. Mais après..."
Vous ne craignez pas que Stadia soit là plus pour récolter de la data que pour proposer une expérience inédite du jeu vidéo ?
"Google fait ça, Amazon fait ça. Les géants du numérique font tous ça, c'est leur fonction, récolter de la donnée. Ils s'intéressent à tout ce qui est monnayable. Et, d'une certaine manière, ils auraient tort de ne pas le faire. Alors, je sais, c'est malsain. Il ne faut pas l'accepter et je ne l'accepte pas. Mais c'est comme ça. On est obligé de passer par Google, sous peine de se couper du monde. Que voulez-vous faire ? J'utilise Google mais, avec Shadow, j'essaye aussi de proposer une alternative, de faire du cloud sans me servir des donnés des abonnés."
Justement, Stadia, c'est complémentaire ou concurrent de Shadow ?
"Shadow est tout à fait complémentaire de Stadia. Le PC dans le cloud permet de jouer à des jeux vidéo dans le cloud mais il a aussi de nombreuses autres fonctionnalités. Or, il y a pleins de gens, moi le premier, qui ont à la fois un PC et une console de jeux. Shadow propose un ordinateur universel. Et, un ordinateur et une plateforme de cloud gaming ou une console répondent à des besoins différents. D'ailleurs, qui sait, demain, il sera peut-être possible d'installer Stadia sur son Shadow. En outre, Stadia ou une autre plateforme de cloud gaming donne accès uniquement à un catalogue de jeux alors qu'avec le PC dans le cloud, on peut avoir accès à tous les jeux vidéo. Enfin, les PC gamers ne deviennent pas des joueurs de console, alors que les joueurs de console peuvent devenir des PC gamers. On a donc un marché potentiel incroyable."