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Canal+ : du chant du cygne à la renaissance du Phénix

Fin 2018, le groupe Canal+ jouait sa survie. Un an plus tard, il signe un fabuleux retour en force, au prix d'un changement de stratégie qui semble porter ses fruits. Décryptage.

Canal+ : du chant du cygne à la renaissance du Phénix
Maxime Blondet - modifié le 07/01/2020 à 11h01

Canal+ : de héros à (presque) zéro

Il fut un temps où Canal+ était une chaîne leader, qui dénotait dans le paysage audiovisuel français pour son originalité et son impertinence. La chaîne cryptée s'était inventée un slogan qui collait parfaitement à son identité : "Au moins, pendant que vous regardez Canal Plus, vous n'êtes pas devant la télé !" Dans le paysage audiovisuel français, Canal+ est alors incontournable, les offres Canal font rêver. Ce n'est plus le cas aujourd'hui.

Au fil des années, les abonnements prennent et ne sont pas renouvelées. Le groupe Canal assiste impuissant à l'érosion de son parc d'abonnés.De fin 2015 à fin 2018, Canal+ a perdu plus d'un million de clients. Le groupe de la chaîne cryptée est même passé sous le seuil des 5 millions d'abonnés.Il y a un an, il en comptait 4,73 millions. Fin septembre 2019, il avait encore perdu 167.000 abonnés de plus. Humiliation supplémentaire : dans le même temps, Netflix, l'acteur qui incarne le mieux l'esprit conquérant de la concurrence franchit le cap de la barrière symbolique des 5 millions d'utilisateurs payants.

En cause : une succession de mauvais choix. Canal+ modifie sa grille des programmes. Et, de manière générale, les offres canal ne font plus rêver alors que la concurrence est de plus en plus féroce, tant sur le cinéma et les séries que sur le sport. À la recherche d'innovations, les clients se tournent vers d'autres d'offres. Et, elles ne manquent pas.

Canal Play : un échec retentissant

En matière de cinéma et de séries, c'est Canal Play, l'ancien service de vidéo en streaming de Canal+ qui incarne le mieux l'échec du groupe Canal. La plateforme de SVOD a été mangée par Netflix. En deux ans, elle est passée de 800.000 à 200.000 abonnés, soit une perte de 75% !"On a été rayé de la carte sur ce marché qui est en train de se substituer à la télévision. C'est terminé pour Canal Play", décide alors Maxime Saada, président du directoire de Canal+, entendu par une Commission du Sénat en juin 2018. À 10€/mois, l'abonnement est jugé trop cher et pas assez attractif. Maxime Saada ne précise pas la date, mais la mort de Canal Play est programmée.

CanalPlay s'est terminé sur un échec retentissant, à cause de la concurrence de netflix

Plusieurs raisons expliquent cet échec. D'abord, à cause de contraintes imposées par l'Autorité de la concurrence, Canal+ n'a pas le droit de proposer en exclusivité sur sa plateforme du contenu orignal, même ses propres séries Canal. En face, la concurrence, emmenée par Netflix, le leader mondial de la SVOD, n'est pas soumise aux mêmes règles et jouent à fond la carte des créations originales. Et, quand bien même les règles seraient les mêmes pour tout le monde, Canal+ ne pourrait pas lutter. Grâce à la richesse de son catalogue, à sa force de frappe marketing et ses investissements colossaux pour produire des contenus originaux, Netflix écrase tout sur son passage. Et, ce n'est pas tout. Canal+ doit aussi faire face à l'émergence de Amazon Prime Video. Voilà pour le cinéma et les séries et c'est la même chose pour le sport.

Foot : Canal+ rétrogradé en 3ème division 

Jusqu'en 2012, Canal+ était le ballon d'or du football à la télévision, le leader incontesté et incontestable. Puis, Canal+ a été mis progressivement sur la touche. Tout d'abord, par beIN Sports qui est venu lui contester sa place sur le front de l'attaque. À partir de la saison 2012/2013, Canal+ doit partager son leadership avec le bouquet de chaînes qatari. beIN sports décroche en effet un lot de matchs de Ligue de 2012 à 2016 et acquiert aussi les droits de diffusion de la prestigieuse Ligue des Champions et de la Ligue Europa sur la période de 2012 à 2015.

Mais, ce n'est pas tout. Fin 2015, Canal+ essuie un nouvel échec avec RMC Sport (groupe Altice) qui lui chipe les droits de diffusion de la Premier League, le championnat anglais de football. Rebelote en 2017, quand le même groupe récupère aussi au dépens de Canal+ les droits de la Ligue des Champions pour la période 2018-2021. Canal se fait gifler de toutes parts. La descente aux enfers n'est pas terminée. En effet, le 29 mai 2018, perd son dernier totem : le groupe espagnol Mediapro, alors inconnu du grand public, récupère les droits de la Ligue 1 pour la période 2020-2024. Du jamais vu depuis plus de 30 ans ! Un camouflet de plus ! Le camouflet de trop ? À quoi bon s'abonner à Canal+ ? La question de la survie de la chaîne se pose alors sérieusement.

Canal+ : un changement d'ADN pour sonner la révolte

C'est Christophe Thiery, président du conseil de surveillance du groupe Canal+ qui résume le mieux la situation dans laquelle se trouve Canal+ : "La situation de Canal en France est celle d'une entreprise assiégée. Marchés et consommateurs ont des exigences nouvelles. Et sous la férule d'une concurrence forte et mondialisée, libre de toutes obligations vis-à-vis de la création française, Canal en France a revu toutes ses offres, baissé tous ses prix, réduit toutes ses charges fixes. D'autres départs se feront sentir, et le résultat français de l'entreprise va de nouveau se dégrader". Déclaration faite dans une tribune accordée au journal les Echos en septembre 2019.

Oubliée la promesse de Bolloré d'investir deux milliards d'euros dans les contenus, c'est l'heure des coupes sombres à Canal+. Mais l'austérité ne suffira pas pour permettre au groupe Canal de redevenir un acteur incontournable. Il a l'obligation de se réformer, voire même de changer son ADN.

Canal+ Séries : le premier maillon de la chaîne sur la voie du renouveau

En coulisses, les caciques ont sonné la charge et la mutation est en cours. Ils apportent une première réponse au mois de mars 2019, avec le lancement d'une autre plateforme de vidéos en streaming, Canal+ Séries, en lieu et place de Canal Play. Quoique restreint, le catalogue est séduisant. Quant aux tarifs des abonnements, ils sont plus attractifs que Netflix.

Canal+ Séries, le nouveau service de VOD de Canal+ remplace CanalPlay

Avec Canal+ Séries, le groupe Canal fait un retour remarqué dans l'univers de la SVOD. Résultat, six mois à peine après son arrivée, Canal+ Séries se classe troisième du baromètre de la vidéo à la demande en France (20,7% des utilisateurs), sur les talons d'Amazon Prime Video (21,8%), mais encore très loin derrière Netflix (56,6%). L'offre, consacrée aux séries et tournée vers les créations françaises et européennes, a su trouver son public et encourage le groupe de la chaîne cryptée à en faire encore plus."En 2020, nous aurons plus de séries produites par Canal+ que dans l'histoire de Canal+ puisque nous en aurons quasiment une par mois, soit 12 pour 2020, c'est-à-dire deux fois plus qu'en 2015", déclare Maxime Saada en septembre sur France Info.

C'est bien, très bien même, mais insuffisant pour concurrencer Netflix. D'ailleurs, Maxime Saada le sait bien. Selon lui, Canal+ Séries est une offre complémentaire de Netflix plus qu'une offre concurrente."Il n'est pas exclu qu'un jour nous-mêmes soyons distributeurs de Netflix", déclarait-il au mois de mars, à l'occasion du lancement de Canal+ Séries.

À l'époque, cette phrase est presque passée inaperçue. Elle préfigure pourtant de la révolution en cours chez Canal+. Le leader français de la télévision payante reste un éditeur de contenus, mais il a décidé de rajouter une corde à son arc.

Canal+ : un guichet unique pour voir le meilleur du cinéma et des séries

Coup de tonnerre, en effet, le 15 octobre. Canal+ annonce avoir trouvé un accord avec Netflix. Ennemis hier, les deux firmes sont aujourd'hui partenaires. Le groupe de la chaîne cryptée devient distributeur du célèbre service de streaming. Netflix est intégré au pack Ciné Séries de Canal+, qui compte déjà dans ses rangs OCS et Canal+ Séries. La nouvelle offre Canal est facturée 15€/mois, en plus de l'abonnement à la chaîne qu'il faut aussi souscrire à 19,90€/mois. Désormais, les meilleures séries Netflix sont accessibles aux abonnés Canal.

Rendez-vous compte. Netflix est en partie responsable de la descente aux enfers de Canal+ et voilà que le groupe audiovisuel Français s'allie avec la firme américaine. Presque un reniement. Et pourtant, cela fait sens. Plutôt que de continuer de s'opposer en vain aux services de vidéo en streaming, Canal+ a décidé d'ouvrir en grand ses portes à la concurrence.

"On a cherché à résoudre deux problèmes avec Netflix, le premier c'est qu'il y a de plus en plus d'offres. Il y a une fragmentation de l'offre pour les gens qui doivent passer d'application en application et chercher pendant 20 minutes le programme qu'ils vont regarder chaque soir. Et ensuite, vous avez un enjeu de prix. Il faut savoir que la valeur de ce pack, qui sera promotionné à 15 euros sur Canal, aujourd'hui sur le marché coûte entre 50 et 70 euros", explique alors Maxime Saada. Difficile de lui donner tort.

Éditeur de contenus, Canal+ devient maintenant agrégateur. Et le partenariat avec Netflix n'est que le premier coup de barre de ce changement de cap. Nouveau coup de tonnerre en effet, le 15 décembre. Dans un entretien croisé avec Kevin Mayer, directeur de la division Direct-to-consumer and International de Disney, paru dans les colonnes du quotidien les Echos, Maxime Saada annonce que Canal+ a obtenu un mandat de distribution exclusif de Disney+, la plateforme de SVOD du groupe Disney, qui arrivera en France le 31 mars 2020. Plusieurs millions d'abonnés Canal auront accès au nouveau de streaming du géant américain à un tarif préférentiel. "Avec cet accord, nous consolidons à la fois notre métier d'éditeur et de distributeur, ce dernier nous permettant de rassembler sous un même abonnement toute la richesse des contenus de Canal+, ainsi que les meilleurs contenus et services issus de partenaires comme Disney", assure Maxime Saada.

Après Netflix et Disney+, le troisième étage de la fusée se nomme Amazon Prime Video qui pourrait aussi intégrer les offres Canal. Des négociations sont en cours. Ce deal serait gagnant pour tout le monde. Canal+ renforcerait sa nouvelle position d'agrégateur de contenus et Amazon capitaliserait sur le succès grandissant de Prime Video en France.

Un guichet unique intégrant l'offre la plus complète possible. C'est le pari de Canal+. Un pari risqué car il augmente la base d'abonnés de ses concurrents et leur permet d'amortir leurs coûts. Mais pari gagnant si au final, il s'avère moins cher qu'une addition des services. Les prochains mois diront si la nouvelle stratégie de Canal+ en matière de cinéma et de séries a été la bonne.

Les nouvelles offres Canal.

Sport : Canal+ back in the game

Sur le terrain du sport, le renouveau de Canal+ a aussi commencé et il suit le même principe que pour le cinéma et les séries : éditer ses propres contenus mais aussi distribuer ceux des autres.

Tout d'abord, en octobre 2018, Canal+ remet la main sur les droits de la Premier League jusqu'en 2022. C'est une première avancée. Mais, sur le chemin de la rémission, c'est il y a seulement quelques jours que Canal+ a fait un pas de géant. Fin novembre, l'UEFA a annonce que Canal+ et beIN remporte les droits de diffusion de la Ligue des Champions sur la période 2021-2024, au nez et à la barbe de RMC Sport qui avait raflé la mise lors du dernier appel d'offres. "C'est une grande joie", se félicite alors Maxime Saada dans une interview au quotidien Le Figaro. Il n'a pas fini de se réjouir car, il y a seulement quelques jours, Canal+ obtient un mandat de distribution de l'offre beIN Sports pour cinq ans. "Je m'y étais engagé (...), Canal+ continuera à diffuser la Ligue 1 jusqu'en 2024", fanfaronne Maxime Saada dans cette même Interview.

Coup sur coup, en seulement une semaine, Canal+ vient de remettre la main sur une partie des droits de la Ligue 1 mais surtout sur les droits de la Ligue des Champions. Il a fait chauffer la carte bleue pour parvenir à ses fins : 115 millions d'euros pour la Premier League, près de 200 millions pour la Champions League et enfin 330 millions pour racheter à beIN Sport ses droits sur la Ligue 1. Mais, le groupe Canal vient de se racheter un avenir. C'est la vente prévue d'une partie du capital d'Universal Music au chinois Tencent, pour 6 milliards d'euros, qui permet à Canal+ de s'offrir un sursaut salvateur.

Et, rien ne semble pouvoir l'arrêter dans sa quête de revanche. Canal+ a annoncé qu'il allait lancer dès le 26 décembre sur myCANAL deux nouvelles chaînes : Cana+ Premier League et Cana+ Top 14, accessible gratuitement aux abonnés du pack Sport.

Canal+ : le Phénix renaît de ses cendres

Avec des investissements récents colossaux pour financer sa politique de reconquête sur le terrain du sport, du cinéma et des séries, Canal+ s'est rassuré. "Nous sommes à un véritable tournant de l'histoire de Canal+, confie Maxime Saada aux Echos. En quelques mois, nous avons sécurisé pour nos abonnés l'accès à Netflix, à la Ligue des champions et à l'Europa League dès 2021, à la Ligue 1 jusqu'en 2024 et désormais à Disney+ (...). » Pour stopper l'hémorragie de son nombre d'abonnés, voire pour sauver sa peau, le groupe Canal a accepté de faire sa mue en adoptant un positionnement hybride, à la fois éditeurs de ses propres contenus et agrégateur au travers d'une plateforme permettant de diffuser les contenus produits par d'autres. Mais, disons-le franchement, Canal+ redevient sexy et les offres Canal recommencent à faire rêver les amateurs de sport, de cinéma et de séries.

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