Netflix compte 45 millions d’abonnés aux Etats-Unis dont 1.56 millions de plus au dernier trimestre, soit presqu’un foyer sur deux abonné à la plateforme. Au niveau mondial, le cap des 75 millions a été franchi fin 2015. L’entreprise affiche un chiffre d’affaires de 6.1 milliards de dollars et un milliard de marge en 2015. Si les chiffres sont positifs aux USA, en revanche, Netflix a cumulé 1.27 milliards de dollars de perte fin 2015 à l’international où tout va se jouer dans les mois et années à venir.
En effet, aux Etats-Unis, la croissance est plus faible avec un marché bientôt arrivé à maturité, dont l’augmentation du chiffre d’affaires est aussi dû au lancement de nouvelles offres premium (multi-écrans, HD…), avec un panier moyen en hausse, alors que tout est à faire dans d’autres pays. En France, par exemple, le taux de pénétration ne serait que de 10% avec donc de belles marges de progression possibles, pour devenir le premier réseau de télévision mondial.
Une stratégie Netflix en phase avec la consommation délinéarisée
Car M. Hasting estime en effet que les programmes de télévision ont fait leur temps et que pouvoir regarder un contenu « quand je veux » est devenu le leitmotiv des consommateurs.
Les jeunes générations tournent le dos à la télévision linéaire traditionnelle mais sont friands d’une consommation de films et séries « à la carte », comme le montrait déjà notre enquête SVOD fin 2014. Des propos confirmés par un rapport de Childwise au Royaume-Uni qui affirme que les moins de 15 ans passent désormais 3 heures par jour sur internet contre 2.1 à regarder la télévision.
Même si le modèle traditionnel de la télévision linéaire représente encore le principal concurrent de Netflix, selon Reed Hastings dans une interview du Journal du Net, « la télévision sur internet, personnalisée et [qu’on peut] regarder à n’importe quel moment et sur n’importe quel écran, représente le futur de la TV traditionnelle ».
Devenir un réseau de télévision implique de diffuser des contenus diversifiés : achetés à des ayants-droits ou produits en interne. Selon Zdnet, Netflix prévoit ainsi en 2016 de produire 30 nouvelles saisons de séries originales, 35 saisons de séries originales pour enfants, une douzaine de documentaires, 9 comédies de stand up… Et même son premier talk show avec Chelsea Handler, mais à la différence de diffuseurs classiques, le direct n’est pas une priorité de Netflix.
Produire local, diffuser global : #Netflixeverywhere
L’autre particularité de la plateforme est sa présence mondiale. Le marché des contenus audiovisuels a cette particularité d’être spécifique à un territoire en raison des différences culturelles et linguistiques qui varient d’un pays à l’autre. Et Netflix l’a bien compris en commençant à produire localement des programmes. C’est par exemple le cas de la série Marseille produite en France avec des acteurs français, en français, mais aussi de futurs contenus produits dans le monde entier : Russie, Pologne, Israël, Roumanie…
Les utilisateurs de la plateforme commencent à s’habituer aux sous-titres (moins chers que le doublage), ce qui permet aussi une distribution internationale et donc un amortissement des coûts de production. En produisant lui-même ses contenus, Netflix s’occtroie de fait les droits monde et une maîtrise totale de ce qui en est fait. Et avec des contenus exclusifs, Netflix donne un vrai argument à ses clients.
Le bulldozer Netflix tend à changer le modèle du marché des contenus
En 2016, Netflix devrait produire 600 heures de programmes et dépenser 5 milliards de dollars pour produire et acheter des contenus auprès des ayants-droit classiques mais aussi à ses concurrents que sont les chaînes de télévision traditionnelles, pour rediffuser leurs séries phares. En comparaison, le budget de HBO est de « seulement » 2 milliards de dollars sur ce poste.
Par ailleurs, les budgets des productions augmentent. House of Cards a par exemple coûté 100 millions de dollars à produire. Netflix tend aussi à changer le modèle de production : en produisant directement deux saisons d’une même série, contrairement à l’industrie audiovisuelle classique qui produit d’abord un pilote, le teste, avant de se lancer dans la première saison puis de vérifier si les audiences sont au rendez-vous.
Les diffuseurs classiques ont alors le choix entre assumer ce modèle et accepter l’argent de Netflix ou vendre moins de contenus, à l’heure où les grands d’internet (Apple, Google) envisagent aussi une production interne avec les moyens qui vont avec.
En France, peu de groupes audiovisuels sont capables de rivaliser avec ces investissements, seul le groupe Vivendi pourrait en avoir les moyens et affiche d’ailleurs une volonté d’investissement massif dans les contenus.
Netflix représente peu pour le moment dans la production de contenus, néanmoins, dans un modèle français dominé par le financement du cinéma par les chaînes de télévision avec des obligations de financement, quel avenir pour la variété de contenus produits et la si fameuse exception culturelle française ?
Les défis qui attendent Netflix à l’international
Outre le défi de produire des contenus qui peuvent plaire à tous, d’autres défis attendent Netflix à l’international. Les coûts de marketing restent élevés et spécifiques à chaque pays et les droits s’acquièrent encore beaucoup territoire par territoire.
L’expansion à l’international implique aussi la confrontation avec les systèmes de régulation locaux. L’agence Ecofin révèle ainsi que Netflix pourrait être bloqué au Kenya, car menacé par la Commission de classification des films du pays, il pourrait être contraint de diffuser des contenus uniquement en adéquation avec des « valeurs morales et de sécurité nationale ». Rappelons aussi que Netflix n’est pas (encore) présent en Chine.
Si Reed Hastings prévoit 5 à 10 ans avant de pouvoir proposer un catalogue global, soit les mêmes contenus disponibles dans le monde entier, en attendant, Netflix doit faire face aux utilisateurs qui se servent de VPN pour avoir accès à des contenus qu’ils ne peuvent légalement pas visionner dans leur pays. En effet, en signant des accords de licence avec les ayants-droit, la plateforme acquiert les droits de diffusion sur un (ou des) territoire(s) donné(s).
Sur les autres territoires, Netflix peut ne pas avoir les droits pour, par exemple, des raisons d’exclusivité données à un autre diffuseur. Si l’utilisation de proxy était jusque là tolérée, il semblerait désormais que Netflix parte en chasse aux clients qui s’en serviraient. Un test est déjà en cours en Australie et pourrait s’étendre dans les autres pays.