Les règles du jeu pour l'attribution des fréquences 5G sont connues. L'Autorité de régulation des télécoms a mis fin à une longue attente en transmettant hier au gouvernement son cahier des charges définitif pour la procédure. La décantation a été plus longue que prévu. Ce qui devrait repousser de quelques mois enchères et attribution effective des fréquences, pour une commercialisation de la 5G, désormais attendue vers la mi-2020.
En cause, la taille des blocs de fréquences et les recettes qui en découleront pour l'Etat. Un point sur lequel le ministère des Finances, l'Arcep et les opérateurs ont eu du mal à trouver un terrain d'entente.A défaut de connaître le prix, la décision du régulateur précise désormais comment seront distribuées les fréquences.
5G sur la bande 3,5 GHz : attribution en deux tours
Pour rappel, l'attribution des 310 MHz de fréquences 5G disponibles sur la bande des 3,5 Ghz se fera en deux tours. Un premier à prix fixe, pour permettre à tous les opérateurs de s'assurer un minimum vital. Un second aux enchères, pour faire jouer la concurrence sur une quantité de fréquences supplémentaires.
Conséquence de ce mécanisme : l'Etat avait tout intérêt à limiter la taille des blocs délivrés à prix fixe, afin de maximiser la part mise aux enchères. Et donc les recettes qu'il pouvait potentiellement retirer de l'opération.
Procédure d'attribution des fréquences 5G - Source : Arcep
Embrouille sur le bloc à prix fixe
Mais attention, répètent depuis plusieurs mois l'Arcep et les opérateurs : plus ces derniers devront dépenser pour les fréquences 5G, moins ils pourront investir pour la déployer partout sur le territoire. A cet impératif d'aménagement numérique s'ajoute l'inquiétude des opérateurs aux poches les moins pleines. En l'occurrence, Bouygues Telecom et Free : plus la part mise aux enchères serait importante, plus ils risquaient de se retrouver lésés face à la puissance de feu de leurs concurrents plus fortunés, Orange et SFR.
Pour tenir compte de ces intérêts divergents, le gendarme des télécoms recommandait des blocs de 60 MHz à prix fixe pour chacun des quatre opérateurs. Et donc 70 MHz à se partager lors du 2e tour d'enchères. L'Etat préfère finalement vendre de premiers blocs de seulement 50 MHz à Orange, Bouygues Telecom, Free et SFR. Et, pour arrondir son pactole, les laisser se livrer bataille ensuite sur les 110 MHz restants.
"Le risque est de voir un opérateur obtenir deux fois plus de fréquences qu’un autre", résume ainsi Sébastien Soriano dans un entretien accordé au Figaro. Permettant ainsi à un Orange de proposer des débits deux fois plus rapides q'un Free, par exemple. Pour le président de l'Arcep, cela pourrait rompre le fragile équilibre de la concurrence sur le marché français. Lequel allie aujourd'hui les prix parmi les plus bas d'Europe tout en permettant aux opérateurs d'investir massivement.
L'Arcep "extrêmement vigilante"
A présent qu'ont été fixées les règles du jeu, c'est à l'Etat d'indiquer combien il souhaite dégager de la cession de ces fréquences 5G. En fixant un prix de réserve, au-dessous duquel il n'entend pas laisser pas partir son patrimoine. Celui-ci devrait se situer aux alentours de 1,5 milliard d'euros. Un "grand maximum" prévient Sébastien Soriano, sachant que "le prix final de l’attribution sera bien supérieur au prix de réserve".
L'Arcep aura d'ailleurs son mot à dire sur le montant retenu par l'Etat, et prévient déjà qu'elle sera "extrêmement vigilante au niveau retenu" pour éviter une flambée des enchères. Rappelons que la bataille sur les fréquences 4G 700 MHz en 2015 avait conduit les opérateurs à débourser un total de 2,8 milliards d'euros. Mais qu'en Italie ou en Allemagne, les opérateurs ont littéralement cassé leur tirelire, à hauteur de 6,5 milliards d'euros dans les deux cas.
Les fréquences 5G attribuées sous conditions
Autre domaine où le régulateur fera preuve de vigilance : ce que les opérateurs feront de ces fréquences. L'objectif étant de ne pas répéter les erreurs du passé sur le déploiement 4G, qui a dû être réajusté grâce au programme "New Deal" en 2018. Le cahier des charges de la 5G en 3,5 GHz comporte ainsi un ensemble d'obligations de couverture plutôt ambitieux.
D'ici fin 2025, chaque opérateur devra notamment avoir déployé au moins 10 500 sites 5G, dont un quart en zone peu dense. Dès 2022, 75% de ces sites devront bénéficier d’un débit au moins égal à 240 Mbit/s chacun (et 100% en 2030). Au programme également, couverture des axes routiers, offres à destinations des entreprises, offres d'accès 5G fixe, ou encore accueil des opérateurs virtuels sur leur réseau 5G.