Depuis fin novembre, l'annonce du rachat de Wibox par Nordnet avait été officialisée par le groupe Altitude Infrastructure, propriétaire de Wibox. Présent en France depuis 10 ans, ce fournisseur d'accès s'était spécialisé dans la commercialisation d'offres internet en zones rurales. Dans un premier temps, Wibox s'était concentré sur les forfaits internet exploitant les réseaux Wi-fi, WiMax et satellite.
Puis à partir de 2014, Wibox avait cédé son activité "radio" à Ozone pour se concentrer sur le marché émergent de la fibre optique dans les réseaux d'initiative publique (RIP). 5 ans après, Wibox avait conquis 17 000 abonnés... désormais dans l'escarcelle de Nordnet, une filiale du groupe Orange également présente sur de nombreux réseaux déployés par Altitude, Axione ou encore Covage pour le compte de collectivités locales.
Depuis le 1er janvier 2020, le site web Wibox.fr arbore les couleurs de Nordnet et les offres internet de Wibox ne sont plus commercialisées. Les abonnés Wibox continuent, bien évidemment, à bénéficier de leurs services et ils peuvent se connecter à leur espace client ou joindre leur assistance via Nordnet.
Pourquoi ça n'a pas marché ?
L'intégration de Wibox au sein de Nordnet ne modifie pas le paysage internet français. Mais, la disparition de cet acteur révèle tout de même 3 tendances lourdes qui risquent de faire d'autres victimes à moyen terme :
- l'arrivée des 4 opérateurs nationaux sur les RIP a bouleversé le secteur
- la difficulté de se différencier sur les prix et sur les services
- le manque de notoriété des opérateurs alternatifs
Pendant plus de 5 ans, le marché de la fibre optique en zone rurale n'a pas intéressé Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free. D'un côté, ils se concentraient sur le déploiement et la commercialisation de la fibre en zone urbaine (zone très dense et zone AMII), et de l'autre, ils préservaient leur part de marché en zone rurale grâce à leurs offres ADSL (guerre des prix, nouveaux services, dégroupage, hausse des débits via les montées en débit...).
Durant cette période, les opérateurs "alternatifs" tels que Wibox, Ozone, K-Net, Nordnet, Videofutur et Coriolis ont tenté leur chance en souscrivant aux offres de gros de certains réseaux d’initiative qui commençaient alors à émerger. L'objectif était alors de séduire les internautes mal desservis en ADSL et qui devenaient progressivement éligibles à la fibre optique.
La promesse était tentante : basculer d'un débit ADSL inférieur à 8 Mb/s vers une connexion ultra haut débit à 1 Gb/s en changeant d'opérateur ! Selon les données de l'ARCEP du second trimestre 2019, plus de 2.5 millions de locaux étaient couverts par la fibre optique en zone moins dense d'initiative publique. Et pourtant, seulement 400 000 abonnés étaient recensés parallèlement... soit un taux d'équipement en fibre de 16%. Pire : entre le 30 juin 2018 et le 30 juin 2019, un million de nouveaux foyers "RIP" sont devenus raccordables à la fibre et seulement 100 000 nouveaux abonnements ont été contractés sur la période.
Plusieurs facteurs expliquent ce manque d'appétence pour la fibre en zone rurale. Le manque de notoriété des fournisseurs alternatifs joue sans doute lourdement dans la balance. Comment inciter les gens à souscrire la fibre optique de K-Net ou de Videofutur quand SFR, Bouygues ou encore Free communiquent largement sur leurs Box ADSL à moins de 20 euros ?
L'autre difficulté pour les opérateurs alternatifs réside aussi dans la structure même de leurs offres. De nombreux internautes sont à la recherche d'un abonnement "tout en un" associant une box internet à la maison avec un forfait mobile 4G. Pour beaucoup, c'est la promesse d'une gestion plus simple de leur (contrat unique) et c'est surtout l'occasion de réaliser une économie grâce à la remise commerciale accordée aux clients "Quadruple Play". Un argument que les fournisseurs d'accès alternatifs ne peuvent pas mettre en avant. Seuls Coriolis et Nordnet proposent une réduction "multi-lignes" ou une offre internet + mobile...
Quels sont les opérateurs alternatifs dans les réseaux d'initiative publique ?
De manière générale, on retrouve généralement Videofutur, Coriolis, K-Net, Nordnet et Ozone dans les réseaux d'initiative. Certains opérateurs comme Vialis ont fait le choix de limiter leur activité à une région (Grand Est en l’occurrence).
Sur les abonnements de fibre optique en entrée de gamme, ces opérateurs "alternatifs" ne parviennent pas à concurrencer les opérateurs nationaux sur les tarifs. Sans prix d'appel à moins de 20 ou 25€, il leur est difficile de séduire des abonnés et de les "détourner" de l'ADSL, surtout quand ceux-ci s'intéressent davantage à leur facture qu'à la vitesse de leur connexion internet.
Pour les offres de fibre optique d'entrée de gamme :
Opérateur | Offre | Débit | Téléphone | TV | Prix |
Coriolis | Fibre Coriolis | 1 Gb/s | en option | en option | 33.99€ |
Nordnet | Vital+ | 1 Gb/s | illimité (fixes) | en option | 19,99€ pendant 6 mois (puis 34.90€) |
Ozone | Liberté | 1 Gb/s | en option | en option | 31.99€ |
K-Net | Flash | 100 Mb/s | illimité (fixes) | oui (TNT) | 35.99€ |
Videofutur | Vic | 1 Gb/s | en option | en streaming | 32.90€ |
Pour les offres de fibre optique haut de gamme :
Opérateur | Offre | Débit | Téléphone | TV | Prix |
Coriolis | Fibre Coriolis | 1 Gb/s | en option | oui (avec Canal+ inclus) | 34.89€ pendant 6 mois (puis 45.89€) |
Nordnet | Extra+ | 1 Gb/s | illimité (fixes / mobiles) + un forfait 20 Go 4G |
en option | 39,90€ pendant 6 mois (puis 49.90€) |
Ozone | Intense | 1 Gb/s | illimité (fixes / mobiles) | oui | 38.99€ pendant 6 mois (puis 48.99€) |
K-Net | Pulse | 1 Gb/s | illimité vers fixes | oui | 39.99€ |
Videofutur | Victoria | 1 Gb/s | illimité (fixes / mobiles) | oui | 39.90€ |
Quel avenir pour les opérateurs alternatifs ? Avec la montée en puissance d'Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free sur les réseaux d'initiative publique, la part de marché des opérateurs alternatifs risque de baisser. D'un côté, les clients "ADSL" seront invités à migrer vers la fibre, et d'autre part, les clients "fibre" déjà abonnés chez un opérateur alternatif pourraient être tentés de changer d'offre et de résilier leur contrat.
Une consolidation rapide du secteur n'est pas à exclure. Lors de la cession de Wibox à Nordnet, David EL FASSY, Président d'Altitude Infrastructure, a ainsi déclaré que "l'arrivée des 4 opérateurs majeurs redistribue les cartes sur le marché du grand public [...] les fournisseurs de proximité doivent unir leur force pour exister dans ce nouveau contexte." Le message sera-t-il entendu en 2020 ?