De plus, même au sein de ce no man's land numérique, où le "haut-débit ADSL" en 128 Kbits non garanti peut, comme au Togo, se voir facturé 75€ par mois, il existe des contrastes immenses entre l'Afrique du Sud et les pays du Nord, d'une part, et, d'autre part, les pays d'Afrique Noire.
Dans les pays les plus avancés, comme, par exemple, en Egypte ou en Afrique du Sud, il est possible d'obtenir des tarifs et des débits proches de ceux connus au Moyen-Orient ou en Amérique latine. Dans la majorité des autres, il ne fait pas bon être internaute.
Internet n'est pourtant pas qu'un moyen de divertissement : c'est un moyen de connaître les cours du café, du thé, par exemple, et donc de valoriser au mieux sa récolte auprès des grossistes. C'est également un moyen pour les artistes et les artisans locaux de faire connaître leurs oeuvres, et de les présenter à des acheteurs solvables d'Europe et d'ailleurs.
C'est aussi un moyen de s'informer de la météo locale et de savoir, par exemple, quand moissonner. C'est aussi un moyen de s'informer et d'accéder à la connaissance. Les chercheurs peuvent échanger avec leurs pairs, accéder à des bases de données de publication, et ainsi gagner un précieux temps dans leur recherche. Les étudiants peuvent y trouver réponse à la plupart de leurs questions... et pallier certaines absences de professeurs...
Enfin, Internet est un moyen, en lui-même, de gagner de l'argent : les call-centers et les services de bpo, "business process outsourcing", sont basés sur la présence de moyens de communication fiables, peu coûteux et sécurisés des données entre pays à hauts et faibles coûts salarials. Malheureusement, la majorité des pays d'Afrique concernés par des tarifs exorbitants d'accès à Internet sont ceux-là même qui auraient le plus à gagner de ce type de business modèles.
Il existe pourtant d'énormes marchés : l'un des plus porteurs, aujourd'hui, est celui de la télé-surveillance. Les caméras de surveillance envoient leurs informations via le Net jusqu'en Afrique, où des personnes observent ce qui s'y passe... Le plus gros coût de l'opération : la bande passante.
Au Togo, par exemple, un professeur d'une école de brousse gagnera, à plein temps, un peu moins de 50 € par mois... Une somme dérisoire qui ne lui permettrait pas de payer une connexion ADSL. Face à cette dure réalité, seuls quelques personnes riches et les cybercafés disposent d'un accès. Il est de coutume de venir au cybercafé avec son journal : un seul accès à "haut-débit" étant souvent partagé entre tous les utilisateurs, le journal permet d'accepter plus facilement la frustration d'attendre quelques minutes le chargement d'une simple page.
Ce ne sont pourtant pas les infrastructures qui manquent : un réseau optique longe toute l'Afrique Occidentale, irriguant toutes les capitales du Golfe de Guinée. Son nom : le SAT 3. Possédé par un consortium d'entreprises, dont de nombreux opérateurs nationaux, il est géré dans une optique de maximisation des profits. Les prix très élevés demandés pour sa location découragent la consommation, alors que ce réseau optique est très loin d'être utilisé à 100%.
Des mouvements tels que l'APC essaient d'éveiller le rôle à ces réalités : avec un investissement modeste à l'échelle de la planète, de l'ordre d'un petit milliard, il serait possible de réduire fortement les inégalités Nord/Sud en laminant cette fracture numérique. Après tout, Sat 3 n'avait coûté que 650 millions de $ pour sa construction. Laminer les coûts est la bonne expression : il est courant de voir des prix plus de cent fois supérieurs pour de la location de bande passante entre Afrique et Etats-Unis ou entre Afrique et Europe, que ne le sont les prix entre Europe et Etats-Unis, ou encore entre Europe et Asie.
La seule concurrence aujourd'hui à Sat 3 est celle du satellite : une concurrence bien imparfaite car le satellite bidirectionnel propose un mauvais ping. Les futurs joueurs de Warhammer Online en Afrique ne pourraient donc, par exemple, pas jouer dans de bonnes conditions par ce biais.