Prendre un abonnement payant pour regarder du sport en streaming ? L'idée est loin d'être évidente pour une majorité de Français. Les fans de foot, basket, handball et autres disciplines restent encore très attachés à leur poste de TV. Et privilégient leur box Internet ou Canal+ pour profiter des retransmissions sportives sur BeIN Sports, RMC Sport, Eurosport ou autres. En face, la multiplication des plates-formes, leur prix, et la concurrence des offres illégales boostée par le Très Haut Débit freinent le développement des abonnements en streaming.
Le streaming payant reste dans l'ombre des box
Un quart des internautes interrogés dans le cadre de cette étude CSA / Hadopi publiée le 30 mars dit "avoir au moins une offre payante de sport". Les abonnements via un opérateur Internet ou Canal+ se taillent néanmoins la part du lion : 80% du public payant, dont une petite partie, certes, cumule avec cet abonnement une autre offre en streaming légal (également appelée OTT pour Over-the-Top). Souvent auprès d'une plate-forme généraliste, comme RMC Sport, BeIN Sports ou Eurosport, dont la base d'abonnés OTT est estimée entre 1 et 1,5 million chacune. Parfois auprès de services plus confidentiels dédié à un seul sport, voireune seule compétition : NBA (basket), de l'UFC (sports de combat), de l'ATP (tennis) ou encore Golf TV.
Mais la domination des abonnements traditionnels reste écrasante, comparé à des offres en streaming à consommer sur ordinateur ou smartphone "encore peu connues du grand public", souligne l'étude, chiffres à l'appui :
Source : présentation de l'étude CSA / Hadopi "Consommation des contenus sportifs sur les plateformes numériques"
Une moindre notoriété qui s'explique peut-être par l'attachement des téléspectateurs au visionnage du sport sur grand écran. Un critère "essentiel" pour 88% des abonnés à un service sportif via une box ou Canal+, ce qui peut expliquer que ces habitudes aient la vie dure. Et même si, selon les derniers chiffres du CSA, quelque 35% des foyers sont équipés d'un téléviseur connecté. Ce qui leur permet en théorie de s'abonner à une offre de sport en streaming ET d'en profiter sur grand écran très simplement.
Un offre jugée trop chère... et surtout trop fragmentée
"Ce n'est pas agréable de pouvoir uniquement regarder sur smartphone, tablette ou ordinateur" : la raison est en effet fréquemment citée par les fans de sport comme frein à leur adoption d'une offre OTT. D'ailleurs, le recours a du streaming légal pour regarder le sport est souvent subi : plus d'un tiers des abonnés y ont recours parce qu'ils n'ont aucune autre solution pour regarder leur compétition favorite. On pense ici forcément aux coupes d'Europe de foot, diffusée exclusivement sur RMC, qui n'est pas distribué sur toutes les décodeurs des opérateurs Internet.
La moindre qualité du streaming par rapport à une diffusion via les box est également invoquée par les amateurs de sports réticents à passer par un service OTT légal. Mais l'obstacle qui revient le plus souvent reste le prix des plateformes vidéo de sport. A 15, 20 voire bientôt 25 euros par mois pour la Ligue 1, la facture apparaît ainsi rédhibitoire pour les téléspectateurs occasionnels.
Pire, l'écueil tarifaire décourage aussi les inconditionnels, prêts à payer pour un service, mais dont le budget ne leur permet pas d'empiler les abonnements. Ou qui, à la rigueur, souscrivent pour quelques mois afin de suivre une compétition donnée : près de la moitié des clients des plateformes de streaming sportif sont ainsi identifiés comme intermittents, profitant du caractère sans engagement de la plupart de ces services. RMC Sport en avait fait les frais l'an passé avec l'élimination précoce du PSG en Ligue des Champions, principale locomotive de son audience. Cette année, la plateforme a d'ailleurs adopté une double tarification, réservant le prix le plus bas aux clients s'engageant sur 12 mois.
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Le piratage prend de l'ampleur
Plutôt que de payer 3, 2 ou ne serait-ce que le moindre abonnement, pour les plus rétifs au sport payant, de nombreux téléspectateurs se tournent vers une offre illégale : live streaming ou box IPTV notamment. 17% des internautes y auraient eu recours au moins une fois ces 12 derniers mois, selon l'étude CSA / Hadopi. Et pour 62% d'entre eux, la question du prix explique ce choix :
Une pratique de moins en confidentielle à mesure que se généralisent les connexions à haut et très haut débit, observe-t-on en outre : près de la moitié des consommateurs de streaming illégal ont ainsi commencé à recourir à cette solution ces deux dernières années.
Leurs compétitions favorites : la Ligue 1, dont l'audience illicite moyenne était déjà estimée à 677 000 spectateurs en 2018, et la Ligue des Champions, qui pointait à l'époque à 366 000. Des chiffres qui ont, à n'en pas douter, fortement augmenté depuis : début 2019 Médiamétrie enregistrait ainsi un pic de 638 000 visionnages illicites... pour la seule rencontre PSG-Lyon.
Changer les offres... ou changer la loi
Le phénomène s'amplifie et met en péril la chaîne de retransmission sportive, voire l'économie du sport tout entière, préviennent les deux autorités. Qui glissent dans leur étude quelques pistes pour l'enrayer : pourquoi pas un prix moins élevé pour les abonnements streaming que pour les offres classiques, qui correspondrait à la moindre qualité perçue par les utilisateurs ? Ou, à l'inverse, une qualité de service améliorée qui justifierait les tarifs alignés sur les offres traditionnelle ?
CSA et Hadopi imaginent également la possibilité d'offres spécialisées mais complètes sur un sport "pourvu qu’elles soient à un prix raisonnable et que toutes les rencontres du sport concerné y soient donc accessibles". Ce afin de détourner du piratage les fans de sport qui recourent aux offres illégales parce qu'ils ne peuvent pas tout se payer. Séduisant mais peu compatible avec la bataille sans merci que se livrent les éditeurs pour les droits sportifs, en particulier sur le foot, qui débouche sur une configuration inédite pour la diffusion de la Ligue 1 en 2020-2021. Sans parler du profil multi-sports de nombreux téléspectateurs.
Enfin, est évidemment évoquée la riposte juridique, qui pourrait naître de la future loi Audiovisuel. En faisant entrer les retransmissions sportives "dans le champ des contenus protégés par le droit d'auteur", justifiant ce faisant un "blocage ou déréférencement des services illicites", esquissent les auteurs du rapport.