L’info avait filtré au printemps dernier : Vincent Bolloré espérait lancer une plate-forme de SVOD dès septembre 2016 sur quatre grands marchés : France, Allemagne, Italie, Espagne. Pour le groupe piloté par le magnat breton et son offre de SVOD CanalPlay, il devenait en effet urgent de réagir face au succès de Netflix. Et pour pouvoir contrer le rouleau-compresseur américain - finalement pas si fringant dans l’Hexagone - la solution passe par l’international.
France : CanalPlay au ralenti
Le constat chiffré est parlant : partie de 520.000 en septembre 2014, le parc d'abonnés de la SVOD made in Canal a fait les montagnes russes. De 705.000 à fin juin 2015, le nombre de clients payants a ainsi dégringolé à 614.000 un an plus tard. Une chute que le groupe français attribue certes en grande partie à l’arrêt de la distribution de CanalPlay dans les extras de SFR, qui lui aurait coûté 250.000 clients.
Mais Vivendi sait bien qu’il sera difficile de lutter sans dépoussiérage des offres et des contenus, alors que Netflix continue d’avancer à un rythme effréné, notamment sur les séries. Le rouleau-compresseur américain a ainsi doublé son catalogue de séries depuis avril 2015 (+ 15% en 2016) pour totaliser 224 titres à début août (dont 190 exclusivités), selon le décompte du blog spécialisé « Le secteur VOD et SVOD en France ».
Netflix a ainsi accumulé, dans les estimations les plus basses, quelque 600.000 abonnés depuis deux ans, et, pour les plus optimistes, environ 1 million. C’est certes moins que les 1.6 million escomptés par le service américain, mais, en seulement deux ans, déjà au moins autant que CanalPlay...
Au-delà de CanalPlay : le déploiement à l’international
Côté contenus, le service de SVOD de Vivendi a résisté cette année en portant son catalogue à 113 séries (+17,7%), dont 70 en exclu. Mais pour poursuivre à ce rythme, il lui faut à la fois disposer de la force de frappe financière suffisante ET rentabiliser le catalogue chèrement acquis en se déployant sur plusieurs pays, à la manière de Netflix.
« On ne peut plus exister en tant que groupe media si on n’a pas une approche internationale », avait ainsi convenu en juin dernier Maxime Saada, directeur général de Canal +. D’où l’idée de ce Netflix européen, bâti sur CanalPlay, mais aussi le service allemand Watchever, également contrôlé par Vivendi, et Infinity, la plateforme SVOD de MediaSet, dans le sillage de l’alliance conclue avec le groupe italien en avril dernier.
Si ce n'est que depuis, Watchever a fermé, tandis que les négociations avec MediaSet se sont enlisées. Résultat : le groupe de Vincent Bolloré a finalement précisé à Libération que le projet était repoussé au printemps 2017.
Studio+ pour des séries sur mobiles
D’ici là, Vivendi compte expérimenter un nouveau format avec le lancement du service Studio +, « la première offre globale de séries premium pour écrans mobiles ». Cette dernière s’appuiera sur des contenus courts (5 à 10 mn) spécifiquement conçus pour un visionnage nomade, avec 25 séries disponibles dès le lancement. Et toujours une vocation internationale : les mini-séries ainsi produites seront réalisées en six langues et disponibles dans 20 pays, avec à chaque fois l’ambition de séduire l’ensemble des audiences internationales grâce à ces pastilles locales.
Zive et Molotov en embuscade... en attendant Amazon ?
Pendant ce temps, les concurrents potentiels accélèrent. Si SFR avait cessé de distribuer CanalPlay, c’était pour mieux promouvoir son propre service de VOD, Zive. Tout à sa stratégie de développement des contenus, la filiale du groupe Altice a affiché hier ses ambitions pour ce service, tout juste rebaptisé SFR Play. Au menu : créations originales et investissement dans les droits de diffusion cinéma pour alimenter ce service, notamment en productions françaises. Le tout moyennant un investissement qui pourrait tripler pour atteindre 90 millions d'euros.
De son côté, Molotov ne chôme pas non plus. Lancée en grandes pompes il y a à peine deux mois, l’application qui veut révolutionner la TV vient de signer un partenariat avec le britannique Sky, décrochant au passage une injection de 4 millions d'euros. Les levées de fonds devraient se poursuivre pour le spécialiste du streaming TV, qui souhaite, par ce genre d’opérations, développer son service et accéder aux contenus de chaque pays. Sans oublier Amazon Prime, annoncée pour la fin de l'année, avec un lancement simultané en France, en Italie et en Espagne. Autant d'initiatives qui risquent de chambouler fortement le paysage de la SVOD dans les mois à venir...