Depuis un an, alors que la 5G est déjà allumée dans de nombreux pays, on entend ça et là que la France est en retard sur ses concurrents. Dans l'hexagone, les fréquences 5G viennent à peine d'être attribuées aux opérateurs et le nouveau réseau mobile sera (seulement) lancé à la fin de l'année, alors qu'un peu partout dans le monde, à Monaco comme en Corée du sud, en Suisse comme aux États-Unis, en Chine comme en Espagne, en Arabie-Saoudite comme en Grande Bretagne, les abonnés mobiles peuvent d'ores-et-déjà en profiter. Alors que la course à la 5G bat son plein dans le monde, la France reste bloqué dans les starting-blocks. Alors, faut-il s'en inquiéter ? Pas nécessairement. Car, dans de nombreux pays où il a été lancé, le nouveau réseau mobile peine à convaincre les abonnés. Comme si certaines nations s'étaient précipitées, obsédées à l'idée d'être à jamais l'une des premières à avoir lancé le réseau mobile 5G, au risque de décevoir.
5G : dans le monde, les abonnés sont mitigés
"Les médias et les publicités leur avaient promis une expérience quasi cosmique", commente le Chongbo Tongshin Shinmun, un journal sud-coréen spécialisé dans la technologie de l'information et de la communication. En avril 2019, la Corée du Sud était le premier pays à commercialiser des forfaits 5G. Un an et demi plus tard, le journal "comprend la colère des usagers". "La mise en oeuvre de la 5G a été précipitée à cause de l'obsession coréenne du classement", juge même le Chongbo Tongshin Shinmun.
En Corée du Sud, la 5G compte près de 10 millions d'utilisateurs. Mais, force est de constater une certaine déception. "Ils ont dû faire face à un coût plus élevé et à un service pas franchement meilleur", explique encore le journal coréen. Les abonnés dénoncent la mauvaise qualité du signal, avec des débits à peine supérieurs à ceux des réseaux 4G LTE, le manque de contenus spécifiquement 5G, mais aussi des problèmes de couverture. Dans le journal Le Monde qui a fait une revue de presse sur le sujet, on apprend qu'un abonné 5G sud-coréen assure qu'il a coupé la 5G pendant un mois parce qu'il perdait trop souvent la connexion. Dans le pays, une association de défense des consommateurs dit avoir reçu plus de 2.000 plaintes en un an. En octobre, la qualité de la 5G fera l'objet d'une enquête parlementaire, c'est dire si le problème est pris au sérieux en Corée du Sud.
Un peu partout dans le monde, les témoignages sur la déception de certains abonnés 5G se multiplient. Le quotidien français cite également un journaliste du média irlandais The Independant qui s'interroge : "La 5G peut-elle me donner quelque chose que la 4G ne peut pas me donner ?". Ou un reporter de la BBC qui arpente les rues de Londres pour faire des relevé de débits en 5G : "Je ne peux pas vraiment vous dire pourquoi je voudrais la 5G pour le moment".
Enjeu stratégique mondial, la 5G a forcément déjà été lancée aux États-Unis comme en Chine, forcément, dans un contexte de guerre commerciale et technologique sino-américaine. En Chine, un ancien ministre des Finances, Lou Jiiwei, a sorti la sulfateuse pour dire tout le bien qu'il pense de la 5G : "La technologie actuelle de la 5G est très immature. Des centaines de milliards de yuans d’investissements ont déjà été réalisés, le coût d’exploitation est extrêmement élevé, mais sa mise en œuvre est dans l’impasse". Voilà qui est dit. Selon lui, "il sera difficile d'en relativiser le coût", alors que 250.000 pylônes 5G ont déjà été déployés dans le pays, sur un de 600.000 à la fin de l'année. Autre constat sur la 5G dans l'Empire du milieu : C'est un gouffre énergétique. De l'aveu même de l'équipementier Huaweï, les stations de base 5G consomment jusqu'à trois fois et demie plus d'énergie que les sites 4G.
Aux États-Unis, pas de déclaration fracassante mais un constat qui est sensiblement le même : un lancement trop précoce de la 5G. Dans l'attente de pouvoir utiliser la bande des 3,5 GHz, tous les opérateurs n'ont pas lancé dans les mêmes fréquences. Par exemple, Verizon a fait le pari des ondes millimétriques, avec de très bons débits mais une faible portée. Résultat : la 5G se limite aux zones métropolitaines les plus denses. De son côté, T-Mobile Us a opté pour la bande des 600 MHz. Avec l'effet inverse : une bonne couverture mais une faible augmentation des débits par rapport à la 4G+.
Enfin, à Monaco, premier état européen entièrement couvert par la 5G, 40.000 personnes pourraient souscrire des offres dédiées en 5G, sans aucun surcoût. Or, on compterait seulement une centaine d'abonnés en 5G.
Autant le dire : disponible un peu partout dans le monde, la 5G ne fait pas l'unanimité. Alors, peut-être que la France est en retard. Mais, au moins, elle a une approche plus pragmatique et ne promet pas une expérience quasi cosmique. En outre, contrairement à d'autres pays, elle a décidé de lancer la 5G dans la bande de fréquences des 3,5 GHz, celle qui offre le meilleur compromis entre augmentation des débits et bonne couverture. Et, l'État a accepté de revoir à la baisse ses exigences financières pour l'attribution des fréquences 5G afin que les opérateurs puissent déployer plus rapidement leur réseau, avec un strict cahier des charges à respecter.
5G dans le monde : d'abord un problème de couverture
Dans la plupart des pays qui la commercialise déjà, la 5G coûte plus chère que la 4G. Sans compter l'achat d'un nouveau smartphone, compatible 5G celui-là. Tout ça afin de pouvoir profiter du nouveau réseau mobile. Encore faut-il pouvoir l'accrocher, c'est bien là le problème. La couverture mobile en 5G est insuffisante, et c'est valable pour la grande majorité des pays qui ont lancé la 5G. Voilà le constant établi par un rapport du cabinet OpenSignal.
En effet, il n'y a que dans trois pays concernés par cette étude (Arabie-Saoudite, Koweït et Hong-Kong) où les abonnés 5G passent réellement plus de 25% de leur temps de connexion en 5G. C'est dire. Dans quatre pays (Royaume-Uni, Suisse, Australie et Canada), ce chiffre passe même sous la barre des 10%. Cela veut dire : que les abonnés 5G payent plus cher un service dont ils ne peuvent pas réellement profiter.
La 5G : une technologie dédiée aux industriels
Si les usagers sont déçus par la 5G, c'est uniquement parce qu'il ont du mal à en voir les avantages. D'ailleurs, à en croire une étude d'IPSOS réalisée à l'échelle européenne, les personnes interrogées sont plutôt favorables à la 5G, à hauteur de 55%, contre seulement 10% qui en ont une image négative. La 5G remporte donc l'adhésion des Européens, au moins dans certains pays. Seulement, ils sont seulement 25% à avoir une bonne connaissance du réseau mobile. Et peut-être ne savent-ils pas que les bénéfices pour les abonnés en 5G sont limités. 61% des sondés pensent en effet que la 5G va avoir un impact sur leur vie quotidienne. Ce sera peut-être le cas dans les années à venir, mais la 5G s'adresse avant tout aux industriels, qui ne cachent pas leur intérêt. D'ailleurs, selon une étude Deloitte, plus de 100 entreprises dans le monde devraient commencer à tester la 5G d'ici à la fin de l'année.