Il est des bons résultats que l'on s'excuse presque d'avoir. Ceux de Netflix en font partie : la plateforme américaine profite bien malgré elle de la situation inédite provoquée par l'épidémie de Covid-19. Le confinement de plusieurs milliards d'individus a entraîné une hausse aussi attendue qu'inédite du nombre d'abonnés au service star de la SVOD. 15 millions de plus au 1er trimestre 2020, dont une bonne partie en Europe.
Netflix s'emploie néanmoins à relativiser cette performance qu'elle sait éphémère. D'autant les mesures prises pour endiguer la circulation du coronavirus auront un impact à plus long terme sur la firme de Reed Hastings.
Croissance record
Netflix aligne depuis des années des performances impressionnantes, accueillant trimestre après trimestre des millions de nouveaux abonnés. Mais la situation exceptionnelle vécue par des milliards de confinés à travers le monde a encore démultiplié cette croissance. Alors que le rythme de progression tourne généralement autour de 6 à 10 millions de souscriptions supplémentaires, le fameux tou-doum a résonné chez pas moins de 15,7 millions de nouveaux spectateurs au 1er trimestre 2020.
Un record absolu auquel a largement contribué une Europe confinée pendant plusieurs semaines sur la période. Dans la zone EMEA, qui inclut aussi Afrique et Moyen-Orient, Netflix a ainsi enregistré 7 millions d'abonnés en plus, contre 3 à 4 millions en temps normal, peut-on lire dans sa lettre aux investisseurs.
Des chiffres impressionnants mais auxquels on pouvait s'attendre au regard des premières études d'impact du confinement sur le marché de la vidéo en streaming. La séquence a notamment profité aux offres légales plutôt qu'au piratage, constatait il y a peu le baromètre Hadopi. Un engouement corroboré par notre propre enquête sur la SVOD, dans laquelle 28% des sondés nous confiaient avoir souscrit une offre de vidéo en ligne en raison du confinement.
Triomphe modeste
La plateforme américaine n'est bien sûr pas dupe de cette performance, qu'elle doit en partie à une situation exceptionnelle. Elle s'attend d'ailleurs à voir cette croissance se tasser à mesure le déconfinement s'opère dans les pays touchés. "Ce qui, nous l'espérons, se produira bientôt", précise l'entreprise, qui n'entend pas endosser le rôle du profiteur de service.
D'ailleurs ajoute-t-elle, cet afflux record de nouveaux abonnés à l'international ne s'est guère traduit en espèces sonnantes et trébuchantes. En raison de l'appréciation concomitante du dollar sur la période, les recettes de la firme sont tout juste conformes à ce qu'elle attendait.
Nouveaux défis
Derrière cette parenthèse qu'on n'osera pas qualifier d'enchantée étant donné les circonstances se profile une période probablement plus délicate pour Netflix. Car le confinement s'est également traduit par l'arrêt complet des tournages, à quelques exceptions près (Corée du Sud ou Islande). Et la reprise s'annonce pour le moins incertaines, en raison des restrictions de circulation à venir au niveau international. Le planning des nouveautés risque donc de s'en trouver perturbé dans les mois à venir. Un trou d'air que Netflix compte compenser en partie par des accords de diffusion de contenus tiers. En France, un accord avec MK2 vient par exemple d'être noué pour la diffusion de nombreux films de prestige : Truffaut, Chaplin, Lynch...
Il vaut mieux, car ses concurrents fourbissent leurs armes. A commencer par Disney+, qui, hasard du calendrier, a commencé à investir l'Europe du streaming en plein confinement. Et qui, déjà assis sur un tas d'or - classiques Disney, productions Pixar, Star Wars et Marvel - souffrira peut-être moins à court et moyen terme de cette problématique de renouvellement des contenus.
En attendant l'arrivée d'un nouveau prétendant, et pas le moindre : HBO Max, dont la date de lancement aux Etats-Unis vient d'être annoncée. A partir du 27 mai, la plateforme adossée au géant Time Warner entrera dans la danse outre-Atlantique, avec un certain Game of Thrones en tête de gondole d'un catalogue lui aussi impressionnant...