Pour être efficace, économiquement parlant, sur le plan national, l'argent dépensé pour un plan de relance doit impliquer la création d'emplois non délocalisables.
Dans le cas typique des politiques de grands travaux, déjà théorisées sous Roosevelt et son New Deal, l'on s'appuie, par exemple, sur le fait qu'il n'est pas possible de creuser un tunnel ou de bâtir une autoroute ou un immeuble en télétravail et que, de toute façon, aucune entreprise ne l'aurait fait à la place de l'Etat.
Les salaires seront donc versés à des personnes vivant sur le territoire américain, des gens qui dépenseront donc leur salaire dans des échoppes américaines, sans que l'intervention de lEtat ait été pénalisante pour les entreprises en place.
Entre autoroutes et "autoroutes de l'information", il n'y a qu'un pas, que les opérateurs télécom aimeraient bien voir franchi aussi promptement que possible, sous certaines conditions, et que les politiques ne font qu'à reculon, car le principe d'utilité publique est moins flagrant en l'espèce que dans d'autres cas.
En ce qui concerne les autoroutes, et même si leur réputation est un peu ternie de par leur empreinte environnementale, elles ont un intérêt facile à percevoir : elles aident à diminuer le temps que les citoyens doivent investir pour se rencontrer ou que des marchandises physiques prennent pour arriver à bon port. De plus, il est relativement facile de passer rapidement à la phase de réalisation, pour ce genre de travaux publics.
Que le TGV arrive jusqu'à Brest, par exemple, est depuis longtemps demandé par les élus bretons et a déjà fait l'objet de plans, repoussés pour de simples difficultés de financement.
Les infrastructures de communication telles que la fibre optique, basées sur des cycles de consommation plus courts que le désir de voyage, doivent faire l'objet d'une étude marketing poussée... et parfois longue... pour être correctement dimensionnées et pouvoir être planifiées.
Ceci entraîne une baisse des prix des marchandises, puisqu'elle peuvent être proposées sur plus de marchés différents, à moindre coût logistique.
Un investissement qui ne fait de tort à aucune entreprise en place, la faculté de créer des routes est, souvent, d'utilité publique. En ce qui concerne les autoroutes de l'information, les choses sont plus compliquées.
Utilité publique du très haut débit : l'évangélisation reste encore à faire
Un investissement dans les infrastructures de fibre optique est possible dans de nombreux pays, dont la France, qui ne proposent pas encore un accès à très haut débit à chaque citoyen. Et une chose est sûre : les opérateurs en place ne sont pas prêts à amener le très haut-débit partout en France sans subventions publiques.
Pour bien comprendre les enjeux de la fibre optique, il faut savoir ne pas limiter le raisonnement à un simple investissement économique. Si l'on se tient simplement à des arguments économiques, un investissement public majeur dans la fibre optique n'a pas forcément de sens, comme en témoigne la réaction de The Economist, un hebdomadaire anglais influent, qui invite à ne pas (dé)penser trop vite...
Selon une étude, l'arrivée du haut-débit dans un état américain y a, certes, augmenté l'emploi de 0.2 ou 0.3% par an. mais, dans cet article, le chroniqueur rappelle à bon escient que le passage du haut-débit au très haut-débit a un impact bien moins perceptible que celui qu'à engendré le passage du bas-débit au haut-débit.
N'en déplaise aux théoriciens de l'histoire des échanges commerciaux, il n'est absolument pas acquis que l'arrivée de nouveaux abonnés bénéficiant d'une grande bande passante disponible va permettre l'émergence de nouveaux services.
C'est simplement probable... Mais doit-on miser sur cette probabilité plus de six milliards aux Etats-Unis, soit le chiffre aujourd'hui prévu dans le budget et ayant fortement déçu les groupes d'intérêt, ou les 10 milliards demandés par le CES pour la mise à très haut-débit de la France, pour un scénario simplement probable ?
Des investissements dans la fibre financés par l'Etat, en France ?
Car cette question n'est pas uniquement posée à l'échelle des US, mais est également à l'ordre du jour en France. Le département des Hauts de Seine avait déjà joué les éclaireurs en 2007, en proposant de la fibre optique pour tous.
Dans ce cadre, l'investissement du département 92 avait été de 59 millions d'euros ainsi que l'octroi d'une concession de 25 ans. En multipliant par 100 départements, l'on arrive déjà à presque 6 milliards rien que pour la France. En prenant en considération le fait que tous les départements ne sont pas aussi plats et densément peuplés que celui des Hauts de Seine, l'on comprendra que le chiffre de dix milliards nécessaires pour construire ce réseau, soit plus de 150 euros pour chacun des 65 millions de français, ce chiffre n'est pas que fantaisiste et propice aux unes de la presse...
Au Japon, le déploiement a été possible sans intervention de l'Etat, les entreprises y ayant traditionnellement une vision à plus long terme que celle des grandes entreprises cotées occidentales, dont les patrons jouent leur job sur les résultats de leurs trois dernières années et ne peuvent donc généralement pas se permettre d'essuyer des pertes 5 années de rang avant d'atteindre la rentabilité sur une gamme de produits.
Leur focus sur la qualité est également source de surprises : jusqu'en 2007, il y avait bien un débit symétrique absolument mythique sur la fibre de NTT, mais pas d'IPTV, parce que le kereitsu estimait que son infrastructure n'était pas encore suffisamment fiable.
En Corée du Sud, l'autre exemple habituel cités par ceux qui veulent parler de réseaux évolués, avec ses compétitions de jeux vidéo massivement suivies à la télévision, pas d'IPTV et de téléphonie sur IP jusqu'à il y a seulement quelques mois...
Aujourd'hui, il n'existe donc pas de pays où les possibilités de la fibre aient vraiment été testées à 100% sur une période significative, tant sur le plan technologique, que de leurs économique que social... Faut-il vraiment, dans ce cadre, en vouloir aux politiques de ne pas souhaiter "tenter leur chance" avec l'argent du contribuable, même un vendredi 13 ?
La fibre : pas uniquement pour injecter des liquidités au petit bonheur la chance...
Un argument en faveur d'un acroissement des moyens dévolus à la pose de fibre optique, et complètement délaissé dans le débat actuel, est celui de l'impact environnemental d'une telle mesure. Aujourd'hui, des gens sont obligés de se déplacer pour avoir accès à Internet à un débit correct.
Pour des réunions d'importance moyenne, des décideurs doivent prendre l'avion, la voiture ou le train pour pouvoir négocier et réfléchir dans de bonnes conditions. Les gens doivent déménager pour suivre leurs études.
Tout ceci a une forte incidence environnementale au sens large : chaque déplacement et déménagement est source de pollutions, de pertes de temps et de problèmes sociaux, car la distance distend les liens entre les personnes.
Avec du très haut-débit pour tous, le télé-travail est facilité, l'on peut faire d'excellentes vidéo-conférences, tant pour suivre des cours que pour négocier sereinement, sans se sentir bloqué par le fait que l'on ne puisse communiquer que par la parole, ou même par les images déformées d'une webcam. Et les bouchons sur le périph' sont tout à coup moins pesants, d'autant plus qu'il est possible de vivre sereinement, dans sa petite commune.