Pour Netflix, le marché français est loin d'être une sinécure. Pour réussir à débarquer, le trublion américain de la VoD devra franchir 3 obstacles et adapter son modèle aux "spécificités" locales que sont la chronologie des médias, le quasi monopole de Canal+ et l'importance des Box pour distribuer les contenus jusqu'aux abonnés.
Inutile de revenir sur la chronologie des médias : si Netflix s'implante en France, il devra s'y tenir et respecter les délais réglementaires. Néanmoins, ces derniers pourraient être raccourcis comme le préconisent la mission Lescure et le récent rapport du CSA.
Du côté de Canal+, Netflix fait office d'épouvantail. Si officiellement, la chaîne cryptée ne craint pas la concurrence - elle propose elle même un service équivalent avec Canalplay - il n'empêche que le groupe audiovisuel s'agite en coulisse. Comme TF1 et M6, Canal s'inquiète des mutations du secteur face aux géants du web.
L'arrivée de Netflix est un véritable défi pour les opérateurs télécoms. Doivent-ils craindre un nouvel acteur "Over The Top" (OTT) qui sature les réseaux mais ne participe pas à leurs développements ? Ou bien doivent-ils nouer un partenariat pour séduire et fidéliser leurs clients ?
Aux Etats-Unis, le phénomène a pris une telle ampleur que Netflix monopolise à lui tout seul plus de 30% de la bande passante totale (surtout le soir). Un chiffre qui dépasse la barre des 50% si l'on y ajoute Youtube ! Après quelques batailles rangées avec les principaux opérateurs américains et constatant que la qualité de service se dégradait, Netflix semble désormais privilégier la négociation.
Ainsi, Netflix commence à s'interconnecter - et donc à payer - directement aux réseaux des fournisseurs d'accès plutôt que passer par des opérateurs de transit. C'est tout le sens des accords noués avec Virgin Media au Royaume-Uni l'année dernière et celui qui vient juste d'être annoncé avec l’américain Comcast (entre 25 et 50 millions $ selon le cabinet d'analyse Wedbush Securities).
De l'importance des Box pour distribuer la VoD en France
Pourquoi Netflix négocie-t-il avec les opérateurs français ? Comme indiqué ci-dessus, la première raison est liée à l'interconnexion des serveurs "locaux" que Netflix installera en France aux réseaux des fournisseurs d'accès.français. L'objectif est de fluidifier le trafic au maximum et d'éviter un engorgement des tuyaux à l'image des soucis rencontrés il y a quelques mois par certains freenautes sur le site Youtube.
La seconde raison est liée aux particularités du modèle de distribution de la VoD dans l'Hexagone. En France, environ 75% des vidéos à la demande sont louées à partir du décodeur TV associé à la Box des opérateurs Internet. Les internautes français plébiscitent en effet largement les catalogues VoD et les boutiques directement intégrées aux offres ADSL et fibre optique d'Orange, Free, SFR, Bouygues ou encore Numericable.
Pour toucher rapidement une large cible de prospects et réussir son lancement, Netflix a donc tout intérêt à transiter par les fournisseurs d'accès. D'autant que les avantages ne manquent pas. Netflix s'appuierait ainsi sur leur force de frappe en profitant notamment d'une meilleure qualité de service et d'une distribution intégrée (facturation de Netflix sur l'abonnement Internet....).
Pour les fournisseurs, Netflix est à la fois un risque et une opportunité. Avec une stratégie reposant sur l'abondance et un prix serré, Netflix pourrait concurrencer certaines chaînes.... également distribuées par les FAI et qui contribuent à améliorer le revenu moyen par abonné et donc la rentabilité.
Pourtant, Netflix peut aussi se révéler être un formidable allié. Une exclusivité avec Netflix représenterait à coup sûr un argument marketing de poids pour se différencier de la concurrence et séduire de nouveaux abonnés. De même, Netflix pourrait être un levier supplémentaire pour inciter les internautes à souscrire un abonnement Internet + Mobile. Orange s'est déjà dirigé dans cette direction en proposant par exemple la Ligue 1 sur mobile/tablette. Même chose pour SFR qui propose le catalogue Canalplay (concurrent de Netflix) en bonus sur ses forfaits mobiles Carré 4G.