« Révolution », « onde de choc », « raz-de-marée » : c’était la perspective que prophétisait la presse il y a tout juste deux ans alors que débarquait Netflix, le géant de la vidéo à la demande par abonnement. Fort de ses 36 millions d’abonnés aux Etats-Unis et 53 millions dans le monde, l’ogre américain allait terrasser l’offre française sur un secteur encore balbutiant. Qu’en est-il deux ans plus tard ?
Alors que la maison-mère affiche plus de 80 millions d'abonnements au niveau mondial, Netflix France a fait son trou en contribuant à aiguillonner le marché de la vidéo à la demande avec abonnement, mais est loin d’avoir écrasé la concurrence, et court derrière ses objectifs initiaux. Le service s’avérera-t-il réellement franco-compatible sur la durée ? Si ses exclusivités lui assurent une visibilité et une adhésion conséquentes, sa réticence à se mettre au pas de la réglementation et des besoins hexagonaux risquent bien de plomber son développement sur notre territoire.
Une percée incontestable sur un marché de la SVOD atone
Les chiffres de cette activité restent difficiles à estimer avec précision en raison de différences notables de périmètres, du brouillage des cartes dû aux formules avec un mois gratuit, et de l’opacité de certains acteurs - Netflix en tête - sur leurs résultats. Mais toutes les études convergent vers un accroissement significatif du marché de la vidéo en ligne et en streaming depuis l’arrivée du service il y a deux ans, après plusieurs années de stagnation.
Pendant ce temps, CanalPlay, même malmené par ce nouvel entrant, a vu ses abonnements payants progresser, certes modestement, de 520.000 en septembre 2014 à 613.000 à fin juin 2016, après un pic à 705.000 à la mi-2015. Autrement dit, l’Américain a incontestablement dynamisé ce secteur, sans toutefois tuer la concurrence, qui a probablement bénéficié d’un effet d’entraînement.
Comment s'abonner à Netflix ?
L'accès : la plate-forme Netflix est disponible en streaming sur ordinateur, smartphone ou tablette, ou en IPTV via le décodeur des fournisseurs d’accès à Internet, qui vous garantit une connexion plus stable et donc un visionnage plus fluide. Pour le moment, le service est accessible via l’offre TV par Internet d’Orange, SFR et Bouygues Telecom.
Le prix : l'abonnement à Netflix coûte 7,99€ par mois en version basique. Pour bénéficier des contenus en haute définition (HD) sur deux écrans simultanément, le prix passe à 9,99€. A 11,99€, l'abonnement haut de gamme propose une qualité ultra HD/4K sur 4 écrans. Le tout sans engagement de durée.
La connexion : le débit recommandé est de 3 Mbits/secondes pour visionner des vidéos en qualité standard (SD), 5 Mbits/s pour de la HD et 25 Mbits/s pour de l’Ultra HD/4K. Pensez à utiliser nos outils pour tester votre débit ou votre éligibilité à une technologie comme la fibre, qui vous permettra de bénéficier des contenus Netflix en qualité optimale.
Netflix et la France : des obstacles légaux...
Au moins aussi bien que CanalPlay en deux ans, donc, mais loin de l’objectif de 1,6 million d’abonnés escompté à fin 2016. Un chiffre que, l’année dernière déjà, l’institut d’études IHS jugeait « irréaliste », pronostiquant un nombre d’abonnés de 2 millions seulement à l’horizon 2019. Au-delà de l’aspect comptable, les « difficultés » de Netflix dans l’Hexagone ont été confirmées par l’annonce cet été de la fermeture de l’antenne française et son rapatriement vers le siège européen, implanté aux Pays-Bas. Ce qui, outre un gain fiscal plutôt modeste (600 000 euros), lui permet d’échapper à l’obligation de financement de la création française (à hauteur de 2% de son chiffre d’affaires), en attendant l’application dans le droit français d’une directive européenne aux ambitions similaires, prévue en 2018.
Malgré son déménagement, la firme américaine n’échappera pas, en revanche, aux contraintes liées à la chronologie des médias, qui prévoit notamment l’interdiction de diffuser un film moins de trois ans après sa sortie en salle. Une disposition contre laquelle peste régulièrement Netflix, et qui explique la dernière bizarrerie en date : le long-métrage Divines, caméra d’or à Cannes, et dont l’entreprise a acquis les droits, sera disponible dès 2016 sur son catalogue dans 190 pays mais pas avant 2019 en France.
... et une incompréhension culturelle
Ce décalage constitue indéniablement un handicap de plus pour séduire le public français. D’autant que sur les productions tricolores, Netflix France peine à convaincre. La plate-forme peut certes compter sur la force de frappe de ses productions originales, avec ses séries phares (House of Cards, Orange is the New Black, Narcos, Jessica Jones, Daredevil...), encore complétées par de belles nouveautés cette année (Stranger Things, The Get Down, le documentaire Making a Murderer). Mais l’audience hexagonale peine peut-être à adhérer à un service qui ne tient pas forcément compte des spécificités locales. La production de la série Marseille devait ainsi fédérer grâce à son implantation française, mais est loin d’avoir convaincu.
On peut aussi souligner la relative maigreur du catalogue de programmes français, avec seulement une centaine de films et une grosse vingtaine de séries. Pas sûr que le grand public s’y retrouve, et que cette approche uniformisée permette de « séduire globalement un tiers des foyers français d’ici cinq à dix ans », objectif énoncé en septembre 2014 par le patron de Netflix Reed Hastings.
La concurrence : CanalPlay, les autres, et bientôt Amazon
Fortes de ce bilan en demi-teinte, les alternatives à Netflix France ne désarment pas. Ce dernier a soufflé un vent frais sur le secteur et montré qu’un modèle bien taillé pouvait doper le marché. Les autres plates-formes comptent bien en profiter pour tenter de séduire les utilisateurs que l’offre de l’Américain n’a pas réussi à convaincre, et qui potentiellement pourraient se tourner vers un autre service de SVOD. Vivendi, qui contrôle le concurrent n°1 CanalPlay, assure ainsi n’avoir pas enterré son projet de « Netflix européen » et lancera prochainement Studio + pour les formats courts sur terminaux mobiles.
Pendant ce temps, SFR Play (ex-Zive) annonce un triplement de ses investissements (à 90 millions d’euros), Molotov, à peine entré dans le champ, vise déjà un développement à l’international pour asseoir son activité, tout comme le pionnier FilmoTV. Et si ces acteurs ne réussissent pas à stimuler l’activité de la vidéo en ligne, l’arrivée, attendue en fin d'année, du service Amazon Prime Instant Video, y parviendra peut-être. Un poids lourd de plus sur le secteur, qui étudiera probablement avec attention les déconvenues de Netflix dans l’Hexagone pour ajuster son positionnement en matière de soutien à la création et d’offre de contenus...