Pas vraiment à l’ordre du jour de la pré-campagne présidentielle, la réduction de la fracture numérique continue d’occuper le gouvernement. En témoigne la présentation, hier par la secrétaire au Numérique Axelle Lemaire, du nouveau projet France Mobile. Portée par France THD au sein de l'Agence du Numérique, l’initiative doit permettre aux élus de signaler les principales difficultés rencontrées sur leurs territoires en matière de couverture mobile. Une plateforme web va être mise en place prochainement pour accueillir les doléances, dans laquelle l’Etat se chargera ensuite de faire le tri... sans pour autant que l’initiative ait un caractère contraignant pour les opérateurs.
Couverture mobile : définir les priorités
Alors qu’une vaste portion de l’Hexagone ne bénéficie pas encore d’une desserte mobile satisfaisante, l’Etat multiplie les actions pour tenter de garantir l’égalité des territoires dans ce domaine. Plusieurs initiatives ont été déjà été menées, visant à améliorer la couverture des centres-bourgs ou de communes délaissées, que ce soit en matière de téléphonie (2G) ou d’Internet mobile (3G).
L’une d’entre elles, l’appel à projets « 800 sites stratégiques » (passé depuis à 1.300 sites), visait à apporter une couverture mobile à des zones de développement économique ou touristique jusqu'ici oubliées. Objectif : stimuler l'attractivité du territoire. L’identification de ces espaces prioritaires s’est toutefois accompagnée d’un constat : « Un véritable besoin de couvrir d’autres zones », comme certains hameaux ou des routes accidentées, pour des raisons de sécurité.
Changement d’approche
Ce sont ces observations de terrain que la plateforme France Mobile se donne pour mission de recenser, en offrant un outil de signalement aux collectivités. L’idée est donc, après plusieurs programmes pilotés depuis l’Etat vers les territoires, de privilégier cette fois-ci une approche du bas vers le haut.
Et, pour ce faire, de s’appuyer sur les élus, « mieux placés que quiconque pour traduire les besoins de leur population et de leurs entreprises », souligne Axelle Lemaire. Au passage, l'initiative doit aussi permettre de rationaliser la remontée d'informations au sein du mille-feuille territorial, ainsi que la réponse apportée et le suivi des demandes.
La sélection des sites prioritaires
Concrètement, la plateforme sera mise à disposition des présidents de conseil régionaux et de conseils départementaux, des présidents d’EPCI et de syndicats mixtes d’aménagement numérique, et bien sûr des maires. Munis de leur identifiants, les édiles pourront renseigner sur France Mobile un formulaire détaillant les problèmes rencontrés sur une zone donnée, quelle qu’elle soit.
A charge ensuite aux préfets de région, en concertation avec les collectivités territoriales, d’établir les priorités. Celle-ci seront alors communiquées aux opérateurs, pour un traitement concret et régulier de ces cas, « selon un rythme semestriel ».
L’intervention des opérateurs... ou pas
Orange, Bouygues, SFR et Free « s’engagent à étudier les cas priorisés » et à formuler des propositions, stipule la présentation de l'initiative : soit dans le cadre de projets de déploiement prévus, soit en mettant en place des solutions à « court ou moyen terme ». Ce qui peut passer par l’amélioration du réseau existant, l’implantation d’un nouveau pylône, la mutualisation de sites existants ou le recours à des solutions alternatives.
Mais rien dans ce dispositif ne contraint les opérateurs à agir. Faute d'intérêt économique pour ces acteurs, il est probable que nombre de doléances resteront lettre morte. Si bien que, sans solution de leur part, il faudra repasser par la case de l’appels à projets « Couverture de sites prioritaires ». Un dossier de demande de subvention pourra être déposé par la collectivité concernée, afin d’obtenir un financement de 50% des coûts de construction (plafonné à 50 000 euros, 75 000 en zone de montagne) ou un financement du raccordement des sites au réseau électrique.
Un chemin laborieux
On le pressent, si la procédure de signalement et de tri des zones à équiper en priorité se veut plus rationnelle et plus fluide, l’initiative risque de pâtir de longs délais d’exécution entre la collecte, la sélection, la réponse des opérateurs, la demande puis l'attribution d'une subvention. Pas l’idéal pour une priorité dite « de court terme », alors que les autres dossiers accusent du retard, comme l'illustrent les graphiques de l'Arcep ci-dessus : la couverture de 100% des centres-bourgs en 2G se voit ainsi repoussée de fin 2016 à mi-2017, sans parler du 100% Internet mobile, initialement prévu pour le milieu de l’année prochaine...
A qui la faute ? Parfois aux opérateurs, régulièrement tancés par l’Arcep pour leur déploiement trop lent, au regard de leurs obligations suite à l’attribution des fréquences mobiles. Parfois à l’Etat, coupable de lenteurs dans l’examen des dossiers : à l'occasion d'un point sur le déploiement mobile en zones de montagne, la Fédération française des télécoms, qui rassemble la quasi-totalité des opérateurs, a ainsi réaffirmé hier son attachement à une simplification administrative et fiscale des déploiements. Tout en n’omettant pas de mentionner l’investissement annuel consenti par ses membres pour la seule téléphonie mobile : 2,3 milliards d’euros.