Depuis plusieurs mois, Vivendi, la maison-mère de SFR, étudie divers scénarii pour rebooster son cours en Bourse. Depuis le départ de Jean-Bernard Lévy et l'arrivée de Vincent Bolloré (via la cession à Canal+ des chaînes Direct 8 et Direct Star), les rumeurs se multiplient.
S'il est certes bien trop tôt pour évoquer un quelconque "mariage" entre SFR et Numericable, plusieurs sources confirment des discussions entre le deuxième opérateur français et le cablo-opérateur.
Selon le Journal du Dimanche, l'une des pistes consisterait pour Vivendi à céder 51% du capital de SFR et à empocher 4 milliards. Mais du côté de Vivendi, l'emballement médiatique autour de ce rapprochement ne reposerait que sur des "rumeurs de marché".
De prime abord, la perspective d'un opérateur global est séduisante. SFR dispose d'un large parc d'abonnés mobiles et ADSL, d'une licence de téléphonie mobile 4G et d'une bonne force de frappe commerciale. De son côté, Numericable possède le réseau très haut débit le plus étendu avec 5 millions de foyers éligibles, un million d'internautes dont plus de 500 000 abonnés "100 Mega".
Pourtant, de nombreux obstacles fragilisent l'affaire. Que vaut vraiment SFR ? 12 ou 15 milliards ? Les actionnaires de Numericable ont-ils les moyens alors que la dette du cablo-opérateur avoisine déjà les 3 milliards ? Les autorités de la concurrence ne risquent-elles pas de poser leur véto puisque ce rapprochement créerait un monopole dans le secteur de la TV à péage (Canal+/Canalsat appartient aussi à Vivendi) ?
Changement de cap et de stratégie pour Vivendi
Au-delà d'un possible projet d'entreprise sur le marché des télécoms, ce scénario de rapprochement révèle pourtant deux choses. D'une part, l'heure des grandes manoeuvres a sonné chez Vivendi. Le groupe ne cache plus sa volonté de recentrer son coeur de métier autour des contenus (TV, jeux vidéos, musique), quitte à vendre ses filiales télécoms en France (SFR) ou dans le reste du monde (Maroc Télécom, GVT).
La montée en puissance de Vincent Bolloré, qui détient désormais plus de 5% du capital de Vivendi et qui obtient de facto un siège au conseil d'administration, pose également beaucoup de questions. Le milliardaire breton lance-t-il un "raid" boursier pour acheter des actions Vivendi au plus bas, réorienter le groupe puis revendre pour réaliser une juteuse plus-value ?
Concentration en vue pour les opérateurs
Le second enseignement de cette affaire ne touche pas uniquement Vivendi ou Numericable mais l'ensemble des acteurs du marché des télécoms en France....et en Europe.
L'arrivée du quatrième opérateur mobile a chamboulé le marché. Les recrutements massifs de Free mobile fragilisent SFR, Bouygues Télécom et dans une moindre mesure Orange. Mais, au-delà de cette conjoncture, les conséquences structurelles sont également inquiétantes.
La baisse des prix, les offres sans engagement, la remise en cause des téléphones subventionnés pèsent lourdement sur le modèle économique des opérateurs historiques et sur leurs résultats. Parallèlement, ils doivent investir massivement pour tenir leurs engagements dans le déploiement du très haut débit filaire (fibre optique) et mobile (4G LTE).
Alors que la tendance est plutôt à la concentration des opérateurs, la France fait figure d’exception. Mais, il est fort à parier que cette situation ne durera pas éternellement. Derrière la bataille commerciale qui sévit dans l'Hexagone, n'oublions pas que la guerre est mondiale. Le maintien d'un marché européen atomisé autour d'une quinzaine d'opérateurs est-il tenable quand on sait que les Etats-Unis ou la Chine ne disposent que de 3 grands opérateurs chacun ?
La question de la crédibilité d'un rapprochement de SFR avec Numericable ou avec un autre opérateur européen (Vodafone par exemple ?) ne se pose finalement pas. Les vraies questions sont plutôt qui mangera qui et quand. Et autour de quel projet.