A l’issue de discussions approfondies, le Conseil d’Administration d’Orange a constaté qu’un accord en vue d’un rapprochement avec Bouygues Telecom n’a pu être trouvé, et vice-et-versa. Alors que les négociations pour cet accord entre Orange et Bouygues Telecom étaient entrées dans leur phase finale depuis le 5 janvier dernier, c'est par deux communiqués que les protagonistes ont annoncé l'échec de ces discussions.
Signe d'un mal typiquement français du moment, c'est donc une nouvelle reculade qui a été causée selon les informations dévoilés par divers médias essentiellement par des exigences récentes du Gouvernement, actionnaire majoritaire d'Orange, mais également par des différends qui persistaient depuis le début des discussions. Bref, tout le monde se renvoie la balle sur les causes de cet échec, sur un dossier tellement complexe qu'il sera difficile de trouver un unique responsable.
Petit récapitulatif des causes de ce non-deal
Selon les informations publiés par certains médias au cœur de l'affaire, les raisons majeures de l'échec ce cette négociation viendraient avant tout de l'intervention de l'Etat, en particulier de Bercy et d'Emmanuel Macron. Cela concernait la survalorisation de Bouygues Telecom comme nous l'évoquions déjà jeudi dernier, donc implicitement le prix des actions Orange en contrepartie. Avec une base de 10 milliards d'euros de valorisation de Bouygues Telecom pour ce deal, là où dans les comptes mêmes de Bouygues la valeur est à peine au-dessus de 6 milliards, elle semblait excessive du point de vue de tous les analystes, et bien entendu du Gouvernement. Un élément majeur connu de tous depuis le début qui rend assez surprenant les déclarations encore récentes des uns et des autres sur la probable réussite de cette opération.
Ici ce sont les exigences de l'état qui sont pointées du doigt, là c'est Bouygues qui ne voulait pas baisser le prix en dessous de ces 10 milliards (qui correspond en fait à la valeur stratégique de l'opérateur), là encore on met en avant les exigences de Free qui profitant de la situation demandait une rallonge sur ses droits d'itinérances sur le réseau d'Orange au-delà de 2018...
Peu importe au final, la vraie question est de savoir si cet échec est un bien ou un mal...
En effet, contrairement aux analyses express du type 'un marché à quatre, c'est mieux qu'un marché à trois !', sur le moyen/long terme et paradoxalement, ceux qui risquent d'y perdre le plus pourraient très bien être l'ensemble des consommateurs ! Sur le court terme, la concurrence à 4 semble garante de prix logiquement plus bas sur les offres, même si la qualité des offres commencent à s'en faire ressentir et qu'il semble improbable de pouvoir descendre plus bas.
Mais avec un marché français non consolidé, qui va à contre-sens de la tendance mondiale (une fois de plus ?), en y regardant de plus près, cela implique potentiellement plusieurs effets négatifs sur le moyen et surtout le long terme, y compris sur les prix finaux des offres avec :
- Des acteurs des télécoms affaiblis, avec moins de capacité d'investissement pour développer leurs réseaux numériques, fixes et mobiles, avec donc un déploiement du THD par exemple via fibre optique qui n'ira pas aussi vite que voulu, sans parler de la future 5G.
- Un risque de fracture numérique dans les régions non denses qui risque de s'aggraver, rejoignant les inquiétudes de la FIRIP sur le sujet.
- Des acteurs des télécoms avec des marges qui vont rester basses, donc avec des services dégradés. A force de vouloir payer moins cher des services, ceux-ci vont obligatoirement se voir dégrader, tant de par leur qualité que de par leur variété ! Veut-on vraiment payer moins cher pour un service pourri ?
- Pour survivre, les groupes Télécoms ont besoin d'une puissance au niveau européen, voire mondiale, et actuellement, mis à part Orange qui a une vraie dimension de ce type et Altice/SFR (avec les risques liés à l'endettement du groupe !), les autres vont avoir bien du mal à résister.
Y a-t-il des gagnants à cet échec ?
Pas vraiment en fait. Pour Orange, cela ne change pas réellement grand-chose, la société étant solide, avec des chiffres impressionnants sur le T4 2015, une stratégie globale solides une forte croissance sur la fibre optique et de gros projets sur plusieurs régions comme la Bretagne ou l'Auvergne. Pour Altice-SFR, là aussi, la société est toujours dans sa phase de restructuration mais avec du mieux, avec des mouvements sur le développement de contenus, notamment dans le domaine du Sport.
Bouygues Telecom se retrouve en Stand Alone, mais sa maison mère Bouygues reste convaincu que le marché des télécoms représente un potentiel de croissance important porté par le développement exponentiel des usages numériques. Bouygues Telecom dispose d'un portefeuille de fréquences et d'un réseau 4G de qualité, mais on peut se poser aussi la question des dégâts dans les équipes de l'opérateur, qui ont du prendre un coup au moral, avec plusieurs rachats échouées qui se sont succédés depuis plus de deux ans...
Le plus gros perdant dans l'affaire peut sembler être Free, qui aurait pu bénéficier de cet accord à la fois pour récupérer des fréquences et des antennes 4G, mais également des points de vente avec les boutiques Bouygues Telecom. Ces deux points auraient permis à Free de gagner énormément de temps et d'argent sur le déploiement notamment de son réseau mobile.