Aujourd’hui deux modes de diffusion permettent d’écouter la radio : la bande FM et Internet. La RNT (Radio Numérique Terrestre), actuellement lancée dans trois villes françaises, Paris, Nice et Marseille pourrait, tout comme la TNT l’avait fait avant elle pour la télévision, révolutionner la diffusion de la radio en France. De nombreuses autres villes font l'objet d'expérimentations, comme Nantes, Lyon...
Pour le moment, le déploiement de la RNT n’est pas généralisé en France, mais il y a quelques jours, le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel (CSA) a annoncé son calendrier pour le rendre effectif dans les principales agglomérations. Le calendrier court de 2016 à 2023, selon les territoires.
La RNT offre une meilleure qualité sonore
La bande FM offre de nombreux atouts et correspond aux habitudes des auditeurs et donc la notoriété des radios. La réception FM est gratuite, simple, anonyme, et permet à tous les auditeurs d’écouter le même contenu au même moment. C’est cependant une ressource rare puisque le spectre est déjà bien rempli et que de nouvelles fréquences hertziennes ne sont pas disponibles.Cependant, la totalité de l’offre n’est pas forcément accessible sur tout le territoire et les contenus ne peuvent pas être enrichis comme c’est le cas sur internet (écrit, images, vidéo).
Internet est actuellement le deuxième mode de diffusion de la radio et réunit 12% de l’audience. La plupart des radios FM ont en effet décliné leur marque sur le web, offrant de plus des contenus enrichis (radio filmée, contenus écrits…), plus d’interactivité et une délinéarisation des contenus avec l’émergence depuis quelques années des podcasts. De nouvelles webradios non présentes sur la bande FM ont également émergé, tout comme de nouveaux modes d’écoute, concurrents des radios musicales (streaming vidéo ou audio via les Deezer, Spotify, utilisés par 7 millions de consommateurs, dont 2 millions d’abonnés mais aussi Youtube souvent utilisé pour simplement écouter de la musique) et de nouvelles sources d’informations qui peuvent concurrencer les radios d’information (médias écrits on-line).
Dans ce contexte, la RNT apporte des améliorations notables par rapport à une diffusion FM, voire même par rapport à la diffusion sur internet. Ainsi la RNT permet d’écouter une radio dotée d’une meilleure qualité sonore et offre la possibilité de recevoir davantage de stations que sur la « simple » bande FM. Il est par ailleurs possible avec la plupart des récepteurs RNT de mettre en pause, d’enregistrer en format numérique. Il est aussi plus facile de rechercher la station voulue, puisque le classement des stations se fait par ordre alphabétique. D’autres fonctionnalités pourront être ajoutées : images, intellitext...
Quels potentiels pour la RNT ?
Fin 2014, seuls 200.000 récepteurs RNT avaient été vendus (un chiffre qui a néanmoins doublé en moins d’un an). Patrice Gélinet, membre du CSA expliquait sur France Culture que ce manque d’engouement était lié à une méconnaissance du grand public. En effet, selon une étude, 75% des Français n’ont jamais entendu parler de la RNT ou en ont entendu parler sans savoir ce que c’était. Mais 75% de ceux qui en ont entendu parler sont favorables à son déploiement.
Dans les trois villes dans lesquelles la RNT a été déployée, l’expérience est intéressante, puisque de nouvelles radios se sont lancées, de nouvelles communautés s’expriment. L’offre y est riche et abondante avec des radios associatives, locales et indépendantes de taille moyenne et donc de nouveaux programmes, comme s’il y avait une deuxième bande FM. On compte par exemple ici une radio chinoise, là une indienne et ou une anglaise. Philippe Gault, président du syndicat des radios et télévisions indépendantes, compare même l’arrivée de la RNT et la diversification des radios associée à « l’exposition des radios libres au début des années 1980 ».
A l’étranger, le déploiement de la RNT est globalement plus avancé qu’en France, alors que notre pays était en avance en 1999. Par exemple, la Norvège a complètement basculé vers la RNT, la Suisse l’a mise sur son agenda, d’ici 2024 avec un abandon progressif de la FM, l’Angleterre a également un agenda numérique, le service public allemand soutient à 100% la RNT. Dans ces pays, la RNT est écoutée et plébiscitée par les auditeurs, mais a aussi commencé avec des statistiques d’audience très basses avant l’explosion de la demande de récepteurs.
Depuis 2004, pourtant, les textes de loi ont cadré techniquement et juridiquement la RNT en France, en particulier en ce qui concerne les appels d’offres, avec des priorités pour les éditeurs déjà diffusés en mode analogique pour inciter les éditeurs présents en FM à se développer en RNT. En 2008, les normes ont été définies pour un premier déploiement en 2014 dans trois villes : Paris, Marseille et Nice. Désormais avec le planning annoncé par le CSA, une grande partie du territoire devrait être couverte avec la RNT à l’horizon 2023.
Les zones de déploiement ont été favorisées là où les expérimentations ont été une réussite, dans les zones frontalières dans laquelle la bande FM est partagée avec les stations de l’autre pays (Lille, Strasbourg) enfin dans les zones de pénurie de l’offre en radio analogique. La RNT devra coexister avec la diffusion analogique, puisque aucun calendrier d’extinction de la bande FM n’a été prévu. L’idée est d’inscrire la RNT dans une continuité du paysage construit en FM, tout en laissant place à de nouveaux entrants.
Un frein de la part des radios pour le passage à la RNT
Avec un grand nombre de radios, rendu possible par la RNT, les grandes radios privées (NRJ, RTL, Europe 1 et RMC) craignent un effondrement du marché de la publicité sur lequel elles basent tout leur modèle économique, qu’elles préfèrent de plus développer sur la radio par internet plutôt que la RNT.
C’est une erreur fondamentale liée à une vision court-termiste selon Emmanuel Boutterin, président du syndicat national des radios libres (SNRL). M. Boutterin estime en effet que le prix de la bande passante est très élevé et proportionnel au nombre d’auditeurs. Il estime aussi qu’il faut considérer le prix payé par l’auditeur car écouter la radio sur internet via son smartphone via la 3G/4G, c’est aussi dépenser les datas de son forfait mobile, ce qui peut aller très vite. Or la radio est habituellement gratuite…
Par ailleurs, 48% de l’audience de la radio se fait en voiture et il est moins aisé d’écouter la radio sur internet en voiture… Un nombre croissant de véhicules commencent à s’équiper progressivement de décodeurs RNT. 10% des véhicules neufs en sont ainsi équipés.
Les coûts de diffusion RNT semblent être moins chers que la diffusion FM. Le rapport de Marc Tessier remis en 2009 estimait ainsi ce coût à 4.5 millions pour une diffusion RNT (pour une couverture de 85% de la population), contre 7 à 8 millions d’euros par an pour une diffusion FM, Cependant, la diffusion FM et la diffusion RNT devraient cohabiter encore quelques années (certains spécialistes estiment cette durée à 15 ans) augmentant forcément les coûts pour les éditeurs diffusant via les 2 modes.
Concernant Radio France, c’est à l’Etat de pré-empter les fréquences RNT, ce qu’il n’a pour l’instant pas fait.
Le marché publicitaire : une opportunité pour la RNT ?
Les recettes publicitaires issues de la RNT sont encore incertaines. Est-ce qu’une meilleure qualité et une plus grande diversité des radios et donc des contenus fera augmenter l’audience et par conséquence les recettes publicitaires ? Ce n’est pas aussi simple. En effet, une augmentation du nombre de radios peut aussi fragmenter le marché publicitaire et entraîner une baisse des tarifs publicitaires car il y aurait alors plus d’offre d’espace disponible. Par ailleurs, ce n’est pas parce qu’il y a plus de radio, ou même plus de qualité dans les programmes ou des contenus plus ciblés que les habitudes d’écoute changeraient énormément.