Après l'audition mardi d'Etienne Dugas, le président de la FIRIP, les sénateurs ont entendu hier :
- Jean-Ludovic Silicani (président de l'ARCEP)
- Didier Casas (Bouygues Telecom)
- Eric Debroeck (Orange)
- Olivier Henrard (SFR)
- Laurent Laganier (Iliad-Free)
- Jérôme Yomtov (Numericable)
- Fleur Péllerin (ministre déléguée chargée des PME, de l'innovation et de l'économie numérique)
L'audition du Sénat intervient à peine un mois après la publication du rapport des sénateurs Yves Rome et Pierre Hérisson, qui souligne que l'objectif d'une couverture complète des territoires en 2022 ne sera pas atteint sans de profonds changements, notamment en terme de stratégie d'investissement et de coordination claire et efficace.
De manière générale, tous les acteurs s'accordent à dire que la feuille de route du Gouvernement va dans le bon sens. Mais, les avis divergent sur plusieurs points. Du côté de SFR, on estime que les investissements dans la fibre seront garantis par l'extinction du cuivre d'une part, et par une contribution sur le dégroupage d'autre part.
Chez Free, le son de cloche est quelque peu différent. "On enterre le cuivre un peu vite, il y a des évolutions technologiques sous-estimées" rappelle Laurent Laganier. Des propos qui rappellent la position défendue par Free lors de la réunion GRACO de décembre 2012. Free soutenait alors davantage la montée en débit et le VDSL2.
Pourtant, depuis 2006, Free aurait investi 800 millions d'euros dans la fibre. Ce que craint Free, c'est de devoir supporter le surcoût de l’installation de la fibre dans le logement de l'abonné. D'où l'idée d'approcher la fibre au plus près du domicile puis de "réutiliser le cuivre [...] ou le câble coaxial pour la partie terminale". Que de chemin parcouru (et de reniement ?) pour Free qui prônait la fibre optique point à point en 2006 !
L'analyse d'Eric Debroeck, le directeur des affaires réglementaires d'Orange, est assez proche. Ce dernier estime que "le coût du raccordement final peut représenter en moyenne 400 euros par foyer", soit 12 milliards d'euros à l'échelle nationale selon La Tribune.
De la fibre optique mais pas uniquement ?
Pour réduire la facture du déploiement de la fibre optique, certains opérateurs suggèrent donc à demi-mot la mise en place d'architectures hybrides à l'image de Numericable. Rappelons que le cablo-opérateur ne tire pas la fibre jusqu'à l'abonné mais uniquement jusqu'à un noeud optique situé en pied d'immeuble ou dans la rue (réseau FTTLa). La partie terminale - en câble coaxial - est déjà installé, ce qui accélère et simplifie les déploiements tout en limitant la facture.
Pour les habitations raccordés à une ligne téléphonique - et non équipée en câble coaxial - l'architecture retenue pourrait être la fibre jusqu'au point de distribution (FTTdp). Cette technique consiste à amener la fibre optique jusqu'à un boitier (le point de concentration par exemple) au plus près de l'abonné. Les derniers mètres de réseau ne seraient pas alors en fibre optique mais uniquement constitués de la paire de cuivre déjà présente.
Pour les derniers mètres, la connexion cuivre utiliserait le VDSL2, le temps qu'un nouveau standard - le G.fast - prenne éventuellement le relais dans les prochaines années. Grâce à l'utilisation de fréquences nettement plus hautes que celles de l'ADSL (2.2 Mhz) et du VDSL (30Mhz), le G.fast pourrait fournir un débit d'un Gigabit à 50 mètres, de 500 mbit/s à 100 mètres et de 150 Mbit/s à 250 mètres.
Sur un marché difficile et confrontés à des investissements lourds dans la fibre et la 4G, les opérateurs sont tentés par les économies. Le raccordement final pourrait-il être financé par les abonnés eux-mêmes ? Une piste suggérée par Free qui évoque un mécanisme de subvention de type "crédit d'impôt". Pas sûr que les internautes acceptent de mettre la main à la poche. Surtout que le crédit d'impôt risque de faire grincer les dents du ministère de l'Economie attentif aux recettes et aux dépenses publiques.