Ces derniers mois, les observateurs de l’économie du mobile et de l’Internet ont été tenus en haleine par le feuilleton des manœuvres qui président à la recompositon du paysage français des télécoms. Mais aussi par les « coups » réalisés par les différents acteurs pour tenter d’emporter la mise sur leurs concurrents. Passage raté de quatre à trois opérateurs, guerre commerciale et mésaventures du carré rouge : retour sur une année 2016 riche en rebondissement.
Le rachat avorté de Bouygues Telecom
La nouvelle est tombée le 1er avril mais n’a pas fait rire grand monde : Orange et Bouygues se fendaient chacun d’un communiqué pour annoncer la fin des discussions portant sur un rachat du premier par le second. Une négociation qui impliquait en réalité aussi SFR et Free, en raison des problématiques de concurrence inévitables dans le cas d’un retour à trois opérateurs.
La faute de l’Etat, intransigeant sur l’ampleur et les conditions de l’entrée de Bouygues au capital de l’opérateur historique, a-t-on entendu chez Orange. Et de Free, trop exigeant concernant les conditions de reprise du réseau de points de vente et des fréquences du vendeur, a renchérie Martin Bouygues. Pour d'autres participants aux négociations, au contraire, c'est ce dernier a fait capoter l'affaire, en voulant céder cette entreprise qu’il a toujours considérée comme son « bébé » sans accepter d'en laisser filer le contrôle.
La guerre des prix se poursuit sur le mobile...
Toujours est-il que ce rendez-vous manqué a provisoirement douché l’espoir de voir le secteur se consolider et améliorer sa santé financière. Notamment en permettant d'atténuer la concurrence acharnée que se livrent les opérateurs depuis plusieurs années, en particulier sur le mobile.
De fait, cette année encore, de la rentrée à Noël, période faste pour le changement de forfait, ils n’ont eu de cesse de dégainer des prix qui paraîtraient invraisemblables ailleurs en Europe. Des enveloppes de 50 Go à moins de 3€ chez Free ou 20 Go à moins de 4 € chez Bouygues : l’idéal pour recruter de nouveaux clients, moins pour soigner sa rentabilité... Surtout lorsque l’on doit, en parallèle, assurer l’amélioration de la couverture mobile pour l'ensemble du territoire, en particulier les zones blanches.
... la guerre des contenus est déclarée sur le fixe
Solution pour se refaire une santé : les abonnements Internet, où l’on commence à voir émerger des offres à tarif regonflé. Des prix que les fournisseurs justifient par un nouvel équipement (Bbox Miami chez Bouygues) ou par des offres plus riches en contenus (sport, cinéma, séries)... Cette approche « à valeur ajoutée » a notamment adoptée par Orange et Free, qui ont accueilli cet automne des bouquets Canal pour quelques euros supplémentaires.
Objectif : recruter plus tout en redonnant de la vigueur à cet ARPU (revenu moyen par abonné) si malmené ces derniers mois. Même combat chez SFR, qui a multiplié les accords exclusifs de diffusion. Objectif : façonner une offre de télévision exclusive pour valoriser ses abonnements Internet. Un activisme qui n’a guère masqué les autres déboires du carré rouge...
SFR : annus horribilis ?
SFR et sa maison-mère Altice envisageaient 2016 comme une année de transition qui devait leur permettre d’assainir les finances, tout en posant les jalons d’une croissance future. Mais les derniers mois ont été mouvementés pour le groupe de Patrick Drahi, successivement recadré par l’Autorité des marchés financiers dans le cadre de la tentative d’Altice de mettre la main sur 100% du capital de SFR, par l’Autorité de la concurrence sur les modalités de rachat de SFR et Virgin Mobile (80 millions d'euros d'amende), et par la justice sur les conditions du plan de départ volontaire d’un tiers des effectifs de SFR (5 000 emplois). Sans oublier la poursuite de l’hémorragie de clients, mécontents des hausses de prix et des prestations techniques et commerciales délivrées par le fournisseur d’accès.
Pointé du doigt pour son sous-investissement dans les infrastructures, l’opérateur a toutefois présenté à l’automne un plan de relance prévoyant une injection de 2 milliards d’euros par an dans son réseau 4G jusqu’en 2019. Nécessaire pour apaiser les clients mécontents du service, mais aussi soutenir sa stratégie basée sur la convergence entre réseaux et contenus...
Et en 2017 ?
Après trois tentatives infructueuses, on ne peut exclure que le dossier du passages à trois opérateurs soit rouvert. Surtout si les élections à venir installent à Bercy des interlocuteurs plus conciliants avec les diverses parties prenantes du dossier. Autre serpent de mer industriel : un deal entre Videndi et Orange qui permettrait à ce dernier de mettre la main sur Canal +, et le positionnerait encore plus frontalement face à SFR. Qui, de son côté, mijote un nouveau bouquet cinéma et séries et le lancement d'une offre satellite afin de défier... Canal. Une certitude : l'opérateur historique lancera l'année prochaine une autre grande offensive avec Orange Bank, qui ambitionne de faire considérablement bouger le paysage bancaire.
Sans oublier l'hypothétique sortie d'une Freebox v7, qui pourrait venir bousculer le marché du fixe si elle se montre "disruptive". La marque de Xavier Niel, tout comme Bouygues, va aussi pouvoir monter en puissance sur les offres fibre, que les deux groupes vont commencer à commercialiser dès 2017 sur les réseaux d'initiative publique (RIP) confiés à Axione. On attend, enfin, les résultats de l'expérimentation lancée par Bouygues avec sa box 4G. Si ce test se révèle concluant, cette technologie pourrait constituer une alternative intéressante pour les utilisateurs mal desservis en ADSL, et une vraie opportunité commerciale pour le groupe.