La marge de progression est encore importante puisque près de 10 000 centraux téléphoniques - regroupant environ 8.75 millions de lignes France Télécom - ne sont pas encore équipés pour diffuser la TV par ADSL.
Pourtant, même au pays du "Triple Play" à 30€, la TV par ADSL devra rapidement faire face à d'ambitieux défis susceptibles de bousculer le marché de l'IPTV tel que nous le connaissons aujourd'hui en France. Quelles sont les menaces qui pèsent sur la TV par ADSL ?
La question des contenus
Face aux 100, 150 et bientôt 200 chaînes incluses chez Orange, SFR ou Free, les 6 chaînes "à papa" et les 18 chaînes gratuites de la TNT ne font pas le poids. Et pourtant, la quantité n'a jamais fait la qualité. Si l'on fait fi des dizaines de chaînes étrangères, des chaînes locales et les décrochages régionaux de France 3, les bouquets basiques perdent rapidement de leur "superbe".
L'étude des résultats de 20 000 comparatifs réalisés sur Ariase.com ces derniers mois montre que la moitié des 25 chaînes les plus demandées sont issues de la TNT gratuite. Cette tendance est d'ailleurs à rapprocher des témoignages d'internautes qui n'utilisent que le tuner TNT intégré dans les décodeurs IPTV, ou pire, qui rangent carrément leur Set Top Box au placard.
Il faut dire que contrairement à d'autres pays, le paysage audiovisuel est plutôt monopolistique en France. La main-mise de Canal+ et de Canalsat sur la télévision à péage (mais aussi le sport et le cinéma...) ne facilite pas les choses. Des accords d'exclusivité empêchent notamment plusieurs chaînes "Premium" (SyFy, Eurosport, 13ème Rue, Planète, Discovery Channel, Série Club...) d'être commercialisées par les opérateurs ADSL.
La question des "tuyaux"
Le réseau téléphonique n'est pas conçu à l'origine pour transporter des flux aussi lourds que ceux de la TV par IP. Bien que les techniques d'encodage et de compression se sont nettement améliorées - un débit de 2.5Mbits est suffisant pour un flux MPEG4 SD - les nouveaux usages risquent de marginaliser la TV par ADSL.
Si le Full HD (1080 pixels) peine à convaincre les abonnés ADSL, la "super HD" (2048 voire même 4096 pixels) et la 3D ne pourront tout simplement pas être diffusées sur la paire de cuivre. La TV sur IP des opérateurs ne devra son seul salut qu'aux réseaux fibrés qui mettront des dizaines d'années à se généraliser.
La bande passante est d'autant plus cruciale qu'elle conditionne de nouveaux modes de consommation des programmes TV. La grande majorité des internautes éligibles à la TV par ADSL ne peut tout simplement pas profiter d'un double service IPTV simultané comme le Multi-TV de Free ou le Multi-Room de SFR.
L'arrivée de nouveaux acteurs
La TV par ADSL ne consiste actuellement qu'à injecter sur le réseau téléphonique des chaînes TV de la même manière qu'elles sont reprises sur les réseaux hertziens ou satellitaires. La situation est amenée à évoluer très rapidement avec l'arrivée des géants du web qui veulent abolir la frontière entre les médias et obtenir une nouvelle part du gâteau (publicitaire).
Apple et Google l'ont bien compris et travaillent actuellement sur leurs propres services IPTV transposables directement sur des téléviseurs de nouvelle génération, ou sur des passerelles multimédias indépendantes des décodeurs IPTV des opérateurs haut-débit.
D'ici la fin de l'année, Google compte notamment lancer son service Google TV présenté par son PDG comme "la plus grande révolution dans le télévision depuis le passage du noir et blanc à la couleur". Google TV permettra d'accéder à Internet depuis son téléviseur (via le navigateur Chrome et le système d'exploitation Android) et d'accéder à l'ensemble des contenus quels que soient leur provenance (TV traditionnelle, vidéos en streaming, films stockés sur un disque multimédia...).
Cette "convergence" commence à pénétrer le marché. Les équipementiers tels que Samsung, Sony ou Philips proposent déjà des "IETV" (Internet Enabled TV) c'est à dire des télévisions dotées d'une interface réseau (Ethernet / WiFi). Le spectateur peut alors regarder des vidéos sur Youtube, accéder à des catalogues de vidéos à la demande, écouter de la musique sur Deezer ou surfer sur Twitter/Facebook directement sur sa TV et sans décodeur (STB).
Si pour l'heure, les TV connectées ne concernent que des acheteurs précoces et technophiles ("early adopters"), la phénomène s'accélérera rapidement et sera nettement plus rapide même que la généralisation des TV 3D. Selon le cabinet NPA Conseil, 60% du parc de téléviseurs français incorporera des fonctionnalités "Internet" d'ici 2014.
Alors que dans les autres pays, la TV est essentiellement l'apanage du câble ou du satellite, la France profite du succès des offres multiservices pour développer la TV par ADSL. Certes, il s'agit bien là de TV sur IP mais elle reste encore trop cantonnée aux Box des opérateurs. Face aux innovations des acteurs du web qui souhaitent récupérer davantage de valeur ajoutée, et aux nouveaux modes de consommation des téléspectateurs (délinéarisation des programmes, interactivité...), les opérateurs risquent gros d'autant plus que la transition vers l'IPTV sur fibre optique sera longue et coûteuse.
Contrairement à ce qu'on pourrait penser, ce n'est pas forcément la question des débits qui sera la principale cause du déclin de la TV par ADSL. Au-delà des limites de bande passante qui guettent l'ADSL, les véritables dangers pour les opérateurs sont liés à leur manque d'innovations (décodeurs, interfaces, services inclus...) alors même que l'IPTV ouvre des perspectives étonnantes pour faire converger la TV et Internet.