Certes, il y a bien de la fibre optique à Paris et Lyon, et des réseaux câblés dans une centaine de villes. Mais faut-il rappeler que la France compte plus de 36000 communes dont une grande partie sont situées à la campagne, rebaptisée "zones peu denses" par certains...
Malgré les discours, les bonnes intentions et les promesses, la fibre optique n'arrivera pas en zone rurale avant des années (décennies ?). Alors, que faire ?
La solution la plus simple mais aussi la moins efficace consiste à "engueuler" les élus, à fustiger les opérateurs et à réclamer la fibre. La seconde solution est certes plus compliquée, mais aussi plus audacieuse et peut vraiment faire bouger les lignes. Et si les habitants/internautes prenaient en main leur propre destin numérique ?
Certains l'ont déjà fait en lançant leur propre réseau rural (RAN) pour désenclaver une commune entière comme à Tréflévénez dans le Finistère. L'idée de Pierre Raso, un consultant informatique vivant aujourd'hui dans la vallée de l'Hérault, est de transposer cette initiative citoyenne au déploiement de la fibre optique jusqu'à l'abonné (FTTH). Ou plus précisément la fibre optique depuis l'abonné.
Sur son blog, Pierre Raso va droit au but : "puisque ni les opérateurs ni les collectivités ne veulent ou ne peuvent nous fournir ce réseau THD, nous allons le construire et le gérer nous-mêmes". Mais comment s'y prendre ? Pour en savoir plus, nous avons posé la question à l'intéressé.
La proposition de Pierre Raso repose sur le principe d'un réseau privé et communautaire de type LAN (architecture FTTH GPON) qui relierait les habitants d'un village à un backbone optique tel que celui de Num'Hérault, le réseau d'initative publique du département.
Pour limiter les contraintes administratives et juridiques (accès aux fourreaux, autorisations, voiries...), Pierre estime que le déploiement du réseau devra s'effectuer sur les propriétés privées. La fibre optique serait ainsi tirée à travers les champs, ou encore le long des murs d'habitations par exemple.
Comment financer un tel projet ? La question de l'investissement est cruciale puisque c'est justement le coût à la prise par abonné (on parle de 3000€ en zone rurale) qui refroidit les grands opérateurs nationaux. Pour Pierre Raso, la dimension coopérative du projet (chacun retrousse ses manches) peut significativement baisser le montant total de l'investissement.
Plutôt que de payer chaque mois 40€/mois pour Internet et la téléphonie, Pierre Raso préfère scinder la dépense avec, d'un côté, le coût d'un forfait FTTH, et de l'autre, l'investissement sur le réseau. Un internaute pourrait ainsi payer son abonnement 30€/mois (avec un forfait Wibox, Kiwi Fibre ou Alsatis par exemple) et verser une cotisation mensuelle de 10€ qui remboursera le prêt bancaire investi dans le réseau.
L'abonné ne ferait certes pas d'économie puisque son budget télécom serait identique. Mais il disposerait à court terme d'une connexion à très haut débit et d'une offre de services à même d'améliorer sa qualité de vie (E-formation, E-administration, E-Santé, Télétravail...).
Au-delà des aspects techniques et financiers de ce projet, Pierre Raso mise aussi sur une démarche locale orientée autour des besoins des populations éloignées des réseaux...et des infrastructures en général.
Ce réseau THD n'est en effet pas une utopie de "geek" mais un véritable projet structurant répondant aux préoccupations des élus de proximité (comment éviter la désertification des campagnes ?) et des habitants (développement durable...).