C'est jeudi 27 novembre dernier à 11 heures, que s'est tenue au Palais du Luxembourg la conférence de presse des rapporteurs du groupe de travail sur l'aménagement numérique du territoire, avec la remise d'une première version d'un rapport de près de 200 pages !
Ce document de travail était présenté notamment par Mr Patrick Chaize, Président de l'AVICCA (Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel) et sénateur de l'Ain, et Mr Hervé MAUREY, président et sénateur de l’Eure. Le titre du document de travail annonçait la couleur : couverture numérique des territoires - veiller au respect des engagements pour éviter de nouvelles désillusions.
Bilan intermédiaire sur le Plan France THD et la couverture numérique fixe en France
Ce rapport commence par un état du déploiement des réseaux FttH, avec un premier constat en matière de Très Haut Débit. A la mi-2015, l’éligibilité au THD concerne 44,3 % des logements, alors que seulement 12 % des logements sont effectivement abonnés à un service supérieur à 30 Mbit/s. En fait, mi-2015, un Français sur dix seulement est éligible à la fibre de bout en bout (FttH), avec une très large concentration dans les zones denses. Les objectifs du Gouvernement, selon le Plan France THD étaient initialement d'une couverture à 100 % en 2022 (50% en 2017), dont 80 % en FttH, des chiffres désormais totalement utopiques selon Hervé Maurey, Sénateur de l'Eure.
Les derniers chiffres communiqués par les opérateurs qui vont déployer la fibre optique concernaient d'ici 2017 12 millions de prises Numericable SFR « fibre » et 22 millions d'ici 2022, avec pour Orange 12 millions de prises FTTH déployées en 2018 pour 20 millions d'objectif en 2022, tandis que du côté des collectivités, dans les zones moins denses, sont visées les 7 millions de prises d'ici 2022.
Alors que 76 dossiers ont bien été déposés sur 89 département (11 de plus en un an) dans le cadre du Plan France Très Haut Débit, seulement une dizaine sont en phase 1 et deux en phase 2 de déploiement. Actuellement, plus de 10% de la population n'a pas un accès à un haut débit supérieur à 3 Mbit/s, indispensable pour profiter d'un Internet déjà minimaliste. Bref, comme le réaffirme Hervé Maurey, plus que jamais, la France du numérique est un territoire à deux vitesses !
La couverture mobile, elle aussi insuffisante
Ce rapport dénonce également le décalage entre les annonces des opérateurs et la réalité sur le terrain, notamment sur les réseaux mobiles. Alors que les opérateurs se battent à grand coup de promotions sur leurs forfaits 4G sur la fin d'année, il faut savoir que 70% du territoire français n'est pas couvert par cette technologie, réservée aux grand villes et grands axes de communication. Avec des contraintes un peu plus fermes en théorie pour les opérateurs télécoms, les choses sont pourtant loin d'être idéales. Au-delà la liste (provisoire) de 238 communes en zone blanche mobile recensées par le gouvernement, qui n'ont même pas la 2G, ce sont en tout plus de 2200 communes qui sont dépourvues d’internet mobile 3G.
La couverture Internet fixe : vers un scandale d'état ?
Ne mâchant pas ses mots, Hervé Maurey parle même d'un véritable 'scandale d'état', entre les engagements verbaux pris par les opérateurs et le non-respect de ces derniers sur le terrain de l'internet fixe. Les opérateurs privés d’envergure nationale ont selon ce rapport une emprise considérable sur des millions de citoyens en attente du très haut débit, parfois même du haut débit, ainsi que sur des milliers de collectivités territoriales.
Sans réel pouvoir de sanction du gouvernement, ce rapport dénonce notamment le manque d'implication du gouvernement sur tous les sujets d’aménagement numérique du territoire. L’Etat s’est limité à un rôle de cofinanceur (avec de très gros retards en plus) et de coordinateur technique, mais il ne répond pas aux fonctions d’aménageur et d’expert numérique attendues par les collectivités territoriales.
17 propositions pour sauver la France du naufrage numérique
Alors que le Plan France Très Haut Débit a été lancé il y a presque trois ans, les choses avancent au ralenti, avec de toutes parts des inquiétudes et des désillusions qui s'accumulent sur le sujet du déploiement d'un réseau numérique Très Haut Débit sur l'ensemble du territoire. Plus que jamais, les fractures et inégalités numériques persistent selon les rapporteurs de ce dossier, proposant en conclusion 17 mesures majeures pour corriger le tir tant qu'il en est encore temps avec, dans les grandes lignes :
- La mise en place de vrais engagements contractuels de la part des opérateurs nationaux sur le déploiement des réseaux numériques pour un meilleur principe de complétude, en particulier dans la zone moins dense et renforcer le suivi de l’État et du régulateur.
- Renforcer le soutien aux déploiements menés par les collectivités territoriales et leurs délégataires, en accélérant l'attribution et surtout le déblocage des fonds d'investissements.
- Rendre l’environnement technologique et technique plus favorable au déploiement de la fibre optique, qui reste l’objectif final.
- Désenclaver rapidement tous les territoires privés d’accès au haut débit : assurer un accès supérieur à 3 Mbit/s à l’ensemble de la population d’ici 2017 (incitations financières, technologies complémentaires : nouvelles capacités satellitaires, subventionnement d’une composante hertzienne terrestre, élargissement de la bande de fréquences 3,5 GHz, commercialisation de la 4G à usage fixe (couverture intégrale de la population d'ici 2022),…)
Avec seulement 18 millions de décaissés à ce jour, sur 900 millions d'euros autorisés pour assurer les investissements, promis à hauteur de 3 milliards sur l'ensemble du Plan France THD, la priorité est à une accélération de tous les processus. Notamment sur le déblocage des fonds du FSN pour permettre aux régions de déployer des réseaux en fibre optique au plus vite. Dans les zones bien couvertes en réseaux numériques, la croissance de l'écosystème économique entre 2007 et 2013 a été multipliée par deux (source Arthur D. Lille, 2014) et pour l'attractivité des zones moins denses, il n'y aura point de salut sans un réseau numérique fixe et mobile de qualité, donc THD.