L'avis de l'Autorité était en particulier très attendu sur l'accord d'itinérance signé par Free Mobile et Orange, qui permet au nouvel entrant de louer le réseau 2G/3G d'Orange jusqu'en 2018.
Pour l'Autorité de la Concurrence, le modèle économique de la concurrence par les infrastructures doit être conservé dans le secteur de la téléphonie mobile. La création d'un réseau en propre par chacun des opérateurs favorise durablement la concurrence en stimulant l'innovation et la différenciation des forfaits mobiles, tout en garantissant l'autonomie économique, technique et commerciale de chaque opérateur.
L’itinérance c'est bien mais il ne faut pas en abuser !
Se pose néanmoins le cas particulier de Free Mobile qui, au regard de son arrivée tardive sur le marché et des fréquences obtenues, bénéficie de conditions particulières. Pour l'Autorité de la Concurrence, "l'itinérance dont bénéficie Free a permis d'animer la concurrence dès son entrée sur le marché". L’itinérance a permis d'abaisser les barrières à l'entrée sur le marché de la téléphonie mobile, de manière à ce que Free Mobile "puisse concurrencer efficacement les trois opérateurs de réseaux mobiles déjà installés".
Avec plus de 5,2 millions de clients et 8% de part de marché en un an, Free Mobile a indéniablement animé le marché ! Mais, l'Autorité rappelle aussi parallèlement que l'itinérance n'est que temporaire, et ne doit servir qu'à épauler le nouvel entrant le temps du déploiement de son propre réseau.
Pour l'Autorité de la Concurrence, l'itinérance présente, par ailleurs, des risques concurrentiels. D'un côté, elle limite la différenciation des offres et services d'Orange et de Free Mobile au niveau de la qualité de service, des débits et de la couverture. De l'autre, elle modifie la structure des coûts et des revenus des opérateurs avec des effets potentiellement indésirables (renforcement de la position de l'opérateur d'accueil, ralentissement des investissements de l'opérateur accueilli...).
L'itinérance est en définitive d’autant plus susceptible de présenter des risques concurrentiels qu'elle concerne des zones étendues du territoire, qu'elle est utilisée de manière intense, qu'elle est appliquée de manière durable et que l'opérateur d’accueil est un acteur important du marché.
Pas certaine qu'un simple calcul financier constitue une incitation suffisante pour déployer, l'Autorité préfère encadrer davantage l’itinérance en précisant sa durée et en réglant les modalités de son extinction. Elle préconise par conséquent "une surveillance étroite et un suivi de ces accords, dans la mesure où il n'est pas forcément dans l'intérêt tant de l'opérateur accueilli que de l'opérateur d'accueil de mettre fin à un accord d'itinérance nationale". En clair, l'accord Free Mobile/Orange ne devra pas être prolongé après 2016 (obligation d'itinérance 2G) ou 2018 (échéance contractuelle avec Orange).
L'Autorité de la Concurrence ne se contente pas d'aller dans le sens de Xavier Niel et de Stéphane Richard, qui ont tous les deux déclarés ne pas vouloir reconduire le contrat. Pour s'assurer que le calendrier sera tenu et que les règles de la concurrence ne soient pas faussées, l'Autorité de la Concurrence suggère deux initiatives concrètes.
La première consiste à demander à l'ARCEP - le gendarme des télécoms - d'user de ses prérogatives pour "vérifier sans attendre que Free est sur une trajectoire d'investissement compatible avec les obligations de sa licence". Traduction : Free investit-il suffisamment pour installer 10 000 antennes (représentant entre 1 et 1.5 milliard d'euros) d'ici 6 ans ? Les récents observatoires de l'Agence Nationale des Fréquences montre, en effet, une progression relativement lente de la mise en service de nouvelles antennes (151 nouveaux supports UMTS en 3 mois).
La seconde proposition de l'Autorité vise à définir un maillage de zones géographiques et à couper localement l’itinérance "dès lors que Free sera réputé couvrir - au sens de l'instrument de mesure utilisé pour vérifier les obligations de sa licence - une part significative de la population présente dans les zones ainsi définies".
Quant à l'itinérance sur la 4G, l'Autorité rappelle que le déficit de fréquences basses (bande de 800Mhz dites "fréquences en or") résulte d'un arbitrage propre à Free, qui n'a pas souhaité investir davantage. L'Autorité de la concurrence est d'avis qu'il n'est pas souhaitable que l'itinérance 4G soit utilisée pour compenser une stratégie d'acquisition de fréquences inadaptée.